Les sols dans l’environnement et pour la production agricole

Daniel Tessier et Christian Mougin

Daniel Tessier est Membre de l’Académie d’Agriculture de France,
Directeur de recherche honoraire de l’Institut National de la Recherche Agronomique

 Le diaporama de la conférence

"La vérité ne se définit pas comme étant l’opinion de la majorité : la vérité est ce qui découle de l’observation des faits". Maurice Allais, prix Nobel

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Introduction

Ce diaporama a pour objectif de présenter les sols en se référant à leur fonction de production et à leur importance dans l’environnement. La démarche se veut suffisamment générale pour comprendre l’importance et le rôle des sols, en France et dans le monde. Il ne sera pas ici question de classification ni de taxonomie. Les données présentées feront essentiellement référence à la connaissance des élèves en chimie, en physique, en biologie ou encore en géologie, en illustrant les sols et leur relation avec la production agricole et avec l’environnement, ceci à l’aide d’exemples concrets. En retour, l’étude des sols doit permettre de mieux comprendre certains aspects des cours de physique, chimie, biologie et géologie. Cette approche devrait mettre en exergue l’intérêt d’une approche scientifique de milieux complexes comme peuvent l’être les sols [2].

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Pour étudier les sols, la démarche scientifique repose sur une approche multifactorielle du milieu, intégrant des facteurs souvent en synergie les uns avec les autres. Dans un premier temps, il est important de rester très factuel : les données obtenues ne doivent supporter aucune contestation quant à leur véracité. Leur analyse ne peut pas seulement reposer sur des données brutes. Des analyses statistiques, des régressions multiples ou le recours à des théories appropriées venant d’autres travaux permettent généralement de « faire parler les résultats ». In fine, l’interprétation des résultats doit montrer en quoi il est possible de conclure de manière crédible et si possible originale. L’écriture doit être précise et concise, ce qui permet généralement de mieux préciser sa pensée, et de s’exprimer aisément dans une autre langue...

A. De quoi parle-t-on : un coup d’œil sur les sols

Le contexte général de la production agricole et des sols à l’échelle de la planète [3]

La formation des sols ne peut être déconnectée du contexte global de la vie sur terre et des conditions physiques et chimiques de son développement. Le flux solaire qui arrive sur terre est en moyenne de 1386W/m2 par 24 heures. Compte-tenu de la rotation de la Terre (qui occulte la partie opposée au soleil), le flux solaire moyen qui atteint le sommet de l’atmosphère est estimé à 342W/m2. Le flux solaire varie bien sûr en fonction de la latitude. Alors qu’il est toujours important en zone tropicale (rayonnement solaire incident jusqu’à quasi vertical), il est beaucoup plus variable de chaque côté des tropiques et au fur et à mesure qu’on se rapproche des pôles. Chez nous le rayonnement incident du soleil est beaucoup plus vertical en été quand les jours sont plus longs (extrêmes de 8 à 16 heures par jour sous notre latitude, d’hiver en été).

Le rayonnement solaire est un facteur essentiel de la production agricole et par delà de la vie sur terre. En France, la période de végétation est de 6 à 8 mois. Des températures comprises entre 10°C et 30°C environ permettent aux plantes un développement optimal. Bien entendu, les plantes se sont adaptées au climat et les sélectionneurs ont adapté de tout temps des variétés spécifiques à chaque climat.

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Le rayonnement qui arrive effectivement à la surface de la terre dépend de plusieurs facteurs. L’albédo (c’est à dire la proportion de rayonnement qui est renvoyé dans l’espace) varie en fonction des milieux : 5-10 % sur les mers sans nuages, 10-15 % au dessus des forêts, 30-50 % sur les déserts, 60-85 % sur la neige et la glace. La couleur du sol et de la végétation sont des facteurs d’absorption plus ou moins importants du rayonnement : le vert foncé absorbe plus que la paille jaune claire d’une céréale arrivant à maturité. Les sols noirs se réchauffent plus vite que les sols clairs, car le noir absorbe la quasi totalité du rayonnement. A contrario, le blanc, la neige ou les glaciers par exemple en revoient la majorité. Ces propriétés sont utilisées en télédétection satellitaire.

Un des facteurs les plus importants de la vie sur terre est l’humidité relative de l’air, couramment notée φ, (ou degré d’hygrométrie). Elle correspond au rapport de la pression partielle de vapeur d’eau contenue dans l’air, pa, sur la pression de vapeur saturante à la même température, po. Elle est souvent exprimée en pourcentage HR% = (pa/po)x100. Une fois atteint la saturation (100% d’humidité relative), des gouttelettes d’eau apparaissent dans l’air et l’humidité relative ne varie plus : c’est l’origine du brouillard et de la pluie. La teneur en eau à pression de vapeur saturante est une fonction croissante de la température. Ainsi, pour une même quantité d’eau dans l’air, un air chaud aura une humidité relative plus basse qu’un air froid. Pour assécher l’air (au sens de l’humidité relative), il suffit de le réchauffer.

L’évapotranspiration est l’effet combiné de l’évaporation directe du sol et de la transpiration des plantes. L’évaporation est le passage de l’eau sous forme liquide du sol transformée en vapeur d’eau. La transpiration, qui est le mouvement de l’eau passant des plantes dans l’air, est absolument nécessaire à la physiologie de la plante, notamment pour alimenter ses tissus en eau et en nutriments. Entre l’eau du sol passant par la plante et l’atmosphère s’établit une différence de potentiel de l’ordre de 100MPa (1000bars) à 20°C et 50% d’humidité relative : la plante transpire. La transpiration est le moteur de l’absorption de l’eau par le système racinaire et de la montée de la sève dans les plantes. Plus l’humidité relative de l’air est basse, le renouvellement de l’air rapide (vent) et la température élevée, plus l’évapotranspiration est intense. Il faut environ 600 calories d’énergie thermique pour convertir un gramme d’eau liquide en vapeur d’eau.
L’eau est à la base de la vie : c’est le solvant universel. L’eau est l’agent de dissolution (hydrolyse) des éléments minéraux dans les sols et le vecteur de ces éléments dans les plantes. L’eau assure aussi la dissémination des éléments minéraux et des composés organiques sous la forme de particules (érosion) ou en solution (recharge des nappes souterraines). Elle joue aussi un rôle essentiel dans la cohésion des particules du sol : plus le sol est humide plus il est mou, et inversement. Il perd d’ailleurs totalement sa cohésion dans un excès d’eau.

Si le climat a été un facteur de développement des sols, il a toujours été est aussi au cœur des sociétés humaines. L’agriculture a pu se développer au Moyen Orient (Croissant Fertile de Mésopotamie) grâce à un climat très favorable, à un milieu riche en biodiversité et à la maîtrise de l’irrigation.
L’exemple du Canada est intéressant car sa frontière sud avec les États-Unis est un type de frontière climatique qui a été âprement discutée [4]. Des grands lacs jusqu’à l’Océan Pacifique la frontière suit le 49° de latitude nord, c’est à dire grosso modo une latitude identique à la ville de Paris (48,5°). Cependant, le climat du sud du Canada est totalement différent de notre climat tempéré bénéficiant du courant du Gulf Stream. Sous climat continental, les températures sont extrêmement basses en hiver. Selon Agriculture-AgriFood Canada : « Le blé, l’avoine, l’orge et le seigle sont considérés comme des cultures de saison fraîche. Leurs variétés printanières sont habituellement semées entre la mi-avril et la mi-mai et elles arrivent à maturité après 80 à 100 jours dans les conditions climatiques canadiennes ».

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Cette durée de végétation est extrêmement courte et tout juste suffisante pour que les céréales de printemps arrivent à maturité. Au Canada la contrainte climatique est donc forte. Ceci a d’autres conséquences comme par exemple l’arrêt de l’activité biologique dans les sols environ 9 mois sur 12. Il en résulte que les sols de ces régions accumulent de fortes quantités de matières organiques (black soils). Il en est de même par exemple en Ukraine (tchernozem)...

En revanche, ce n’est pas le cas dans les régions tempérées et encore moins dans les régions chaudes (sols tropicaux). Avec des températures élevées, l’activité biologique est intense, de sorte que la teneur en matières organiques des sols tropicaux est généralement faible. Pour ces derniers, et pourvu que la pluviométrie ou l’eau d’irrigation apportée soient en quantité suffisante, deux récoltes annuelles sont possibles. La végétation naturelle s’est généralement bien adaptée aux variations locales du climat et à celle des sols. En montagne, par exemple dans les versants alpins, entre l’adret (côté sud) et l’ubac (côté nord) les températures moyennes à 1250m peuvent varier du simple au double, et la luminosité d’un facteur 10. Ceci a contribué à structurer les paysages avec des habitations et des herbages côté sud et des forêts préférentiellement côté nord.
En Champagne, mais aussi en Alsace la vigne est cultivée sur des coteaux exposés au sud ou sud-est afin d’avoir le maximum de luminosité et l’incidence optimale du rayonnement solaire (proche de la verticale à midi). En outre, pour de nombreuses cultures fruitières l’orientation des rangs et la taille des arbres permet d’optimiser la luminosité qui arrive aux feuilles et aux fruits, ce qui favorise l’enrichissement en sucre et leur maturation. Sur ces bases on a défini la notion de terroir : pour une même région, une même famille de sols, des conditions météorologiques identiques et pour une production donnée (raisin, lait, olive, etc…), le produit présente un caractère unique, une « typicité » reconnue (vin, fromage, huile d’olive, par exemple).

L’autre facteur important de développement des sols et de la végétation est la pluviométrie. Pour la végétation et la production agricole, on caractérise le climat par son aridité. Nous avons vu que l’évapotranspiration est absolument nécessaire au développement des plantes. Chez nous, sous climat tempéré, il faut environ 400L d’eau pour produire 1kg de céréales ou de bois (soit une hauteur d’eau équivalente à 400 mm de pluie pour une production de 10t de blé par ha). Dans les régions chaudes, la demande en eau est beaucoup plus importante du fait que l’évapotranspiration potentielle augmente considérablement avec la température ( 2500mm à Damas en Syrie). L’eau devient alors le principal facteur limitant de la production agricole. Ainsi, au Brésil, dans les Cerrados (savane brésilienne) le développement de la végétation naturelle prend des forme diverses allant de la prairie, à la savane arborée à la forêt plus dense aux confins de l’Amazonie : ce sont ces sols là qui ont été défrichés ces dernières années et cela couvre une surface d’environ deux fois celle de la France ( 1 million de km2)[5]. La végétation est alors autant dépendante de la pluviométrie annuelle elle-même que de sa répartition avec une saison sèche et une saison humide.

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Pour bien comprendre le développement de la végétation il y a lieu de tenir compte du cycle de l’eau à l’échelle locale, c’est à dire prenant en compte la réserve en eau du sol directement accessible à la plante. A cette échelle une partie de la pluie est interceptée par la végétation (jusqu’à 30% pour des résineux), le reste peut arriver au sol et s’infiltrer et ainsi alimenter le réservoir en eau qu’est le sol [6].

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Ce dernier fonctionne comme une sorte de réservoir à trop plein qui retient l’eau, notamment par capillarité, dans des pores dont la taille ne dépasse pas 50µm environ. Dès la fin du printemps et jusqu’à l’automne, la pluviométrie n’est généralement pas capable de remplir ce réservoir et la végétation y prélève l’eau stockée : il n’y a pas de reconstitution des nappes du printemps à la fin de l’été. En revanche, dès l’automne, après les récoltes, et jusqu’au printemps le réservoir peut être rempli et l’excès d’eau qui arrive peut, si la pluviométrie est suffisante, s’écouler en profondeur, contribuant ainsi à reconstituer les nappes souterraines.

Du fait de la capillarité, la plante doit exercer une succion sur le sol pour en prélever l’eau : plus les pores sont petits plus l’eau est retenue fortement. Pour les plantes cultivées de plein champ, la succion peut atteindre 1,6MPa. C’est ce réservoir particulier qui constitue un des facteurs les plus importants de la production végétale car il alimente la plante entre les épisodes pluvieux. Le volume de ce réservoir peut être l’équivalent de 300mm de pluie dans les sols profonds et très poreux, alors qu’il se limite à quelques cm dans les sols les plus superficiels. De ce point de vue, les sols ne sont pas du tout égaux quant à leur potentialité de production.

Les roches sur lesquelles se développent les sols se sont la plupart du temps formées en grande profondeur, c’est-à-dire en milieu réducteur (absence d’oxygène). Dans ces roches, le soufre est généralement associé à des sulfures, une partie du fer est sous la forme ferreuse, le carbone est présent sous la forme de composés aliphatiques comme les hydrocarbures. Au contact de l’oxygène atmosphérique et avec l’activité microbienne, les constituants des roches et des sols, organiques et minéraux, sont progressivement oxydés. Une partie peut passer dans l’atmosphère (gaz carbonique par exemple) ou sont stockés dans les sols sous forme de matières organiques mortes (issues de l’activité biologique). Des minéraux peuvent être dissous, totalement ou partiellement, et être transformés en argiles.

Le sol peut posséder la plupart des éléments minéraux nécessaires au développement de la vie, y compris les éléments en traces. Cependant, ce n’est pas la teneur en tant que telle qui est importante mais leur biodisponibilité, c’est à dire la forme sous laquelle ils peuvent être absorbés par les racines des plantes. Des éléments peuvent être présents en grande quantité et ne pas être biodisponibles. C’est le cas par exemple du phosphore dans les sols très acides ou très basiques (sols calcaires).

Afin de montrer l’importance des sols vis-à-vis de la nutrition humaine, le tableau ci-dessous donne les teneurs en éléments majeurs et en trace dans le corps humain et que l’on doit trouver dans les aliments [7]. Il est par exemple bien connu que le calcium et le phosphore sont les constituants du squelette. Si les éléments majeurs sont indispensables du fait de leur importance pour la constitution de la matière vivante, les éléments en trace ou oligo-éléments sont eux aussi indispensables car ils entrent par exemple dans la composition de nombreuses enzymes dont ils conditionnent l’activité.

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Les oligo-éléments sont des éléments minéraux purs nécessaires à la vie d’un organisme, mais en quantités très faibles. On appelle oligo-éléments les éléments chimiques qui représentent une masse inférieure à 1 mg/kg.

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Les oligo-éléments possèdent également une toxicité pour l’organisme lorsqu’ils sont présents à des taux trop élevés. L’effet d’un oligo-élément dépend de la dose d’apport [8]. Lorsque l’oligo-élément est dit essentiel, l’absence, comme un apport excessif, sont létaux. (Il en est d’ailleurs de même pour les polluants organiques [8]). En se liant aux enzymes, les oligo-éléments sont pour la plupart capables de changer la conformation de ces protéines au rôle de catalyseur. La liaison entre un métal et son enzyme est généralement très spécifique du métal pour une enzyme donnée. Le tableau ci-dessous donne une idée du rôle des éléments dans le fonctionnement des êtres vivants.

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On a décrit plus de deux cent enzymes ayant le zinc pour cofacteur. Certains oligo-éléments entrent également dans la structure des vitamines, comme le Cobalt intégré à la vitamine B12. Dans le règne végétal, les oligo-éléments contribuent à la plupart des réactions vitales du métabolisme végétal (respiration, transport d’énergie, photosynthèse, etc.). Par exemple, l’un des rôles importants du fer est de permettre la fabrication de la chlorophylle, laquelle contient du magnésium dans sa molécule. Le manque de fer provoque par exemple la chlorose de la vigne (feuilles sans chlorophylle).

La formation des sols et leur dimension spatiale

La formation des sols met en jeu différents processus parmi lesquels, l’action de l’eau et le développement de l’activité biologique sont prédominants [9]. Il faut rappeler que les roches profondes se forment dans des conditions très spécifiques (pression et température élevées, milieu réducteur). A contrario, les conditions superficielles sont caractérisées par la présence d’oxygène, une très faible pression, des phases de dessiccation-humectation et de gel, ou encore l’action de la flore, de la faune et des racines dans les sols. Les minéraux des sols étant en déséquilibre par rapport aux conditions initiales, un nouvel équilibre tend à se créer en fonction des conditions superficielles et de la présence de la vie.

Sous ces différentes actions, un milieu poreux se crée progressivement. Un indice important du processus de formation du sol est le changement de masse volumique [10]. D’un matériau très compact, par exemple une roche de masse volumique proche de 2,50g/cm3, presque sans porosité, on passe à un matériau très poreux. La masse volumique atteint généralement 1,3g/cm3 environ dans les sols cultivés, c’est à dire que 50% du volume est occupé par des pores remplis de diverses proportions d’air et d’eau.

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En général, avec le temps, souvent plusieurs milliers d’années, la teneur en particules très fines (argiles < 2µm) augmente. La conséquence principale est la formation d’une sorte de liant argileux très fin entre les autres particules plus grossières. Sous l’action du dessèchement et de la pluie des fissures peuvent se former puis disparaître. Cela signifie que le matériau se rétracte et gonfle : les sols sont des matériaux structurés à géométrie variable [11]. L’ampleur du gonflement est liée à la teneur en argile et au degré de dessèchement. En parallèle, les racines des plantes et la faune du sol créent une porosité d’origine biologique qui se superpose à l’action purement physique.

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Un exemple de la formation d’un sol peut être illustré par l’altération d’un granite en climat tempéré. Sur une roche saine des lichens et mousses s’installent rapidement [12,13]. Une désagrégation de la roche se produit ensuite et conduit à la formation d’un matériau sableux : les grains de la roche jusque là imbriqués les uns dans les autres se séparent [14]. Avec le temps et sous l’influence conjuguée du climat et de l’activité biologique, les minéraux les plus facilement altérables comme les micas noirs disparaissent et se transforment en particules plus fines. Une expérience à l’INRA de Versailles menée depuis 1928 montre que le premier stade, c’est à dire la désagrégation, peut être atteint en 80 ans...

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La France est un pays de très grande variété géologique. Les sols se sont développés directement sur les roches sous-jacentes ou encore sur des sur des matériaux d’apport externe comme par exemple des matériaux éoliens. Lorsque la roche est calcaire, l’activité biologique dispose d’une réserve quasi illimitée d’un matériau à pH élevé (pH 8,3), et l’altération acide est extrêmement limitée (Champagne par exemple) [15]. Lorsque le matériau est très riche en silice (sable quartzeux) rien ne s’oppose vraiment à l’acidification : le pH de ces sols est naturellement acide comme les sols sur granite (Vosges, Massif Armoricain, Massif Central) ou sur matériau sableux (Sologne, Landes, sables de Fontainebleau).

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Au cours des dernières glaciations des vents violents froids et secs soufflaient du nord au sud de l’Europe (> 8.000 ans). Le vent a arraché des éléments fins résultant de l’érosion glaciaire, les lœss, qui se sont accumulés sur la partie nord de la France [15,16]. Les lœss contiennent du quartz (SiO2), mais aussi des minéraux altérables : 30% de carbonate de calcium, des feldspaths et des micas noirs riches en potassium, mais en proportion moindre. Le transport par le vent a engendré un tri de telle sorte que les particules comprises entre 10 et 50 micromètres, grosso modo de la taille des limons, sont arrivées jusqu’à nous. Plus au nord, par exemple en Belgique et aux Pays Bas, des particules plus grossières se sont déposées.
Ces dépôts sont d’une très grande importance pour l’agriculture française car ils contiennent la plupart des éléments indispensables au développement des plantes. Ces lœss sont sans cailloux, homogènes, sans litage, faciles à travailler et naturellement très poreux : ils sont donc quasi parfaits pour l’agriculture. L’épaisseur du dépôt peut atteindre plusieurs mètres, cependant la topographie a contribué à les redistribuer dans les paysages.

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En Lorraine, sur les plateaux calcaires du Jurassique, la distribution des sols est fonction de la topographie. En bord de plateau, une partie de la couche limoneuse (ou lœssique) a été transportée naturellement par les eaux vers les parties basses des versants, par exemple dans les vallées des différents cours d’eau [17]. Les particules les plus fines ont migré ainsi qu’une partie des éléments chimiques les plus mobiles s’y sont accumulé. C’est cette redistribution qui a conduit à la formation de différents types de sols en fonction de la topographie (toposéquence de sol).

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On retrouve ce type de redistribution des sols dans la plupart des régions du monde : les phénomènes d’érosion entraînent les particules fines et les éléments les plus mobiles vers les bas de versants. Là les sols sont riches car ils sont profonds et ont accumulés des éléments indispensables aux plantes. A contrario, les sols de haut de versant se sont appauvris et c’est généralement là que l’on a les forêts. C’est aussi en bas de versant que s’accumule l’eau. L’exemple le plus spectaculaire réside dans l’aménagement des sols de rizière dans les régions tropicales (Chine, Thaïlande, Madagascar, Indonésie…). Parfois aussi les sols des parties basses des fleuves concentrent des éléments trace toxiques comme l’arsenic dans certaines régions du monde, mettant en danger les populations (Bangladesh par exemple).

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Pour identifier les sols l’approche consiste généralement à identifier des unités spatiales, en particulier par le nombre et le type de couches homogènes (horizons)[18]. La caractérisation se fait en échantillonnant chaque horizon en vue d’analyses chimiques, physiques et biologiques. En revanche l’étude du sol et de son fonctionnement in situ exige d’en étudier le comportement global, lequel dépend notamment des relations entre les horizons superposés comme par exemple la pénétration racinaire, l’infiltration, l’aération, le travail de fouissage des vers de terre, etc. Il est à noter que l’enracinement des plantes ne concerne pas seulement la couche labourée mais l’ensemble des horizons. L’exploration de l’ensemble du sol par les racines est un critère essentiel de l’exploitation optimale de sa réserve en eau et au total de sa fertilité.

Si nous revenons aux sols sur lœss du nord de la France, nous pouvons observer une évolution progressive [19]. Tout d’abord le rôle de l’eau est important puisqu’il conduit à la dissolution (hydrolyse) des minéraux les plus « altérables ou solubles ». Ce sont les minéraux contenant des cations (Ca2+, Mg2+, K+ et Na+), par exemple les feldspaths, les micas noirs ou encore les carbonates qui sont dissous en premier. Si l’altération se poursuit les minéraux contenant de la silice sont ensuite dissous ce qui conduit à un enrichissement relatif en fer et en aluminium. Cette dissolution entraîne la formation d’autres minéraux, notamment les argiles et les oxydes de fer. Ce sont ces derniers qui donnent la couleur rouge aux sols. Les argiles sont particulièrement réactives et ce sont elles qui peuvent retenir (adsorber) une bonne partie des éléments potentiellement dissous (Ca2+, Mg2+, K+, PO43-) et qui sont indispensables aux plantes.

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En parallèle, les résidus aériens et souterrains des végétaux qui se sont développés sur ou dans le sol sont transformés par l’activité microbienne (bactéries, champignons). Les résidus ainsi formés sont stockés sous forme de matière organique relativement stable, l’humus (couleur noire).

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Le sol est le siège de réactions d’oxydation qui affectent les composés minéraux et organiques, comme le carbone qui fournit l’énergie aux êtres vivants mais engendre l’émission de dioxyde de carbone, le CO2, l’azote qui se transforme en nitrate la seule forme de N que la plupart des plantes peuvent prélever, mais aussi la transformation progressive des minéraux contenant du fer ferreux en fer ferrique, ou des sulfures en sulfates affecte la constitution du sol [20]. Chaque fois que de la matière organique est transformée en CO2, elle disparaît du sol. L’oxydation des minéraux provoque leur dislocation/fragmentation ou induit par dissolution/cristallisation la formation de nouveaux minéraux. Toutes ces réactions engendrent une acidification du sol comme le montrent à titre d’exemple les deux réactions qui concernent l’ion ammonium en nitrate et le fer des sulfures en sulfates [20].

Il faut insister sur l’importance du pH dans l’évolution des sols. Le pH de l’eau de pluie se situe entre 5,5 et 6,0 en raison de la présence de CO2 dans l’atmosphère. Le CO2 réagit avec H2O (vapeur d’eau) par les réactions suivantes :
CO2 + H2O → H2CO3 (acide carbonique), qui peut se dissocier en ion bicarbonate :
H2CO3 → H+ HCO3- (bicarbonate), puis en ion carbonate :
HCO3- → H+ [CO3]2-(carbonate).
Ces réactions conduisent à dissoudre progressivement le carbonate de calcium : c’est la décarbonatation. En outre, du fait de la respiration des êtres vivants, la teneur en CO2 du sol peut atteindre 10% du volume de l’air au voisinage des racines, ainsi que dans les milieux faiblement aérés : les êtres vivants sont un facteur d’acidification. Rappelons que la concentration moyenne du CO2 dans l’atmosphère est actuellement de 0,0388%, c’est à dire qu’elle est infiniment plus faible que dans le sol, mais elle est essentielle à la vie (fonction chlorophyllienne).

Tant que le sol contient des carbonates (sols calcaires), son pH tend à se rapprocher celui de l’eau en équilibre avec CaCO3 soit pH 8,3. Lorsque les carbonates ont complètement été dissous sous l’effet de l’acidification, une deuxième phase de la formation des sols se produit entraînant progressivement le départ des cations majeurs (Ca2+, Mg2+, K+, notamment) : c’est la décalcification car Ca2+ est le principal cation concerné [21]. Ce sont les ions H+ qui chassent principalement les cations précédents. En même temps que les éléments majeurs une partie des éléments traces est aussi éliminée. Il s’agit donc de changements très importants dans les sols car ils peuvent entraîner la quasi disparition des éléments indispensables aux plantes.

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Les propriétés d’échange sont au centre des propriétés des sols. Les argiles et les matières organiques, à cause de leurs très fines particules, développent de très grandes surfaces (jusqu’à 800 m2/g d’argile) et possèdent une charge électrique négative mais variable [22]. Cette variation de la charge électrique est fortement dépendante du pH du sol, c’est-à-dire de la concentration en ions H+ dans la solution du sol. Il faut bien réaliser que l’abaissement d’une unité pH dans la solution du sol entraîne une augmentation de la concentration en H+ d’un facteur 10. Il s’établit une compétition entre les ions en solution, y compris H+, et ceux retenus par les argiles et des matières organiques. L’abaissement du pH entraîne la libération des cations potentiellement utiles prélevés par les racines des plantes. Mais il a aussi une importance capitale sur la dimension du réservoir chimique qu’est le sol. Là où les H ont remplacé des cations comme Ca2+ la charge électrique superficielle peut disparaitre de sorte que le sol a perdu une partie de sa capacité à retenir les éléments importants pour les plantes : le volume du réservoir chimique qu’est le sol diminue [22]. C’est la raison pour laquelle maintenir un pH élevé ( 6,5-7,0) par le chaulage (apport de CaCO3) permet de disposer d’une réserve d’éléments minéraux importante et de ne pas perdre inutilement ce qui a été le fruit du travail de l’agriculteur, souvent pendant des années. Une autre façon de diminuer la dimension du réservoir chimique qu’est le sol est de perdre une partie de ses constituants fins, par érosion ou par abaissement du taux de matières organiques.

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Si l’acidification est à l’origine de la libération des éléments trace (nécessaires à la plante), le scénario est amplifié pour les sols pollués par les métaux (qui ne sont alors plus en trace). Pour les sols pollués, on parle alors de métaux lourds [23]. Dans ce cas de figure, des métaux lourds potentiellement toxiques peuvent être libérés massivement et être prélevés par la plante. Autrement dit, un flux important de protons (une acidification rapide), se produisant pas exemple lors d’une période chaude et humide par l’activité biologique, peut induire une toxicité dans le milieu.

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C’est la raison pour laquelle maintenir un pH élevé ( 7,0) par le chaulage (apport de CaCO3) est aussi un facteur de contrôle de la contamination afin de limiter les départs intempestifs de métaux vers les êtres vivants et dans l’environnement. Heureusement en France les sites réellement pollués par les métaux lourds sont peu nombreux, même si le cuivre a été utilisé depuis longtemps pour protéger la vigne contre les maladies (mildiou). Les sites les plus pollués se trouvent en particulier autour des sites industriels des métaux non ferreux (Cu, Zn, Pb). Nous voyons donc que les pratiques de fertilisation au sens large permettent de contrôler l’alimentation minérale des plantes mais aussi de raisonner d’autres propriétés des sols comme la biodisponibilité/toxicité des polluants.

Le processus de perte des cations par les sols est important au plan environnemental et pour la santé, notamment pour la qualité des eaux puisqu’il est à l’origine de la présence de calcium, de magnésium mais aussi de potassium et de bicarbonates dans les eaux superficielles et dans les eaux de source. De fait, la composition des eaux minérales reflète la proportion des éléments du matériau calcimagnésien (dolomie) qui se retrouve par exemple dans l’eau de Vittel. Cette phase de la formation des sols se produit d’autant plus vite que le sol se trouve sur un matériau filtrant et non calcaire [24]. Il est à remarquer que les sols calcaires perdent aussi des cations, mais le processus d’évolution des sols est alors largement bloqué : en Beauce les sols sur lœss développés sur matériaux calcaires se comportent comme des sols jeunes, même s’ils ont le même âge que les autres ! De fait, les sols sont d’autant plus évolués naturellement qu’ils reposent eux-mêmes sur des matériaux acides ou filtrants.


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Au fur et à mesure que le sol s’acidifie, les argiles, mais aussi les matières organiques migrent de la partie supérieure vers la partie inférieure du sol [24]. On parle alors de lessivage. C’est la raison pour laquelle beaucoup de sols appauvris en argile dans leurs 30 premiers cm sont faciles à travailler, alors qu’en profondeur ils sont compacts et imperméables (on peut le vérifier chez nous dans son jardin avec une bêche). Ceci a notamment des conséquences sur l’infiltration de l’eau et l’aération des sols en hiver. Les sols les plus appauvris en argile en surface sont aussi ceux qui sont les plus sensibles à l’érosion dans le nord de la France comme par exemple dans le pays de Caux.

La phase ultime de l’acidification est atteinte pour les pH < 5,5. A ces valeurs de pH les éléments majeurs étant largement éliminés l’altération concerne les minéraux contenant de l’aluminium, notamment les argiles. L’aluminium passe dans l’eau (plus précisément dans la solution) du sol. Cet ion est particulièrement toxique pour la plupart des plantes cultivées et les êtres vivants en général. La présence d’aluminium est un phénomène général dans les sols tropicaux anciens et à forte pluviométrie. Dans ces sols toute mise en culture exige de remonter le pH, par exemple par apport de carbonate de calcium : c’est le chaulage qui est aussi pratiqué chez nous depuis l’antiquité.

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A ce sujet il faut remarquer que dans le nord de la France, les sols forestiers sur matériaux non calcaires sont généralement très acides, puisque leur pH peut être voisin de 4,0 [25]. Dans ces conditions, il est impossible de les cultiver en l’état car ils sont toxiques pour les cultures et leur réserve minérale est tellement faible qu’ils ne peuvent fournir les éléments indispensables aux plantes. En revanche, il est clair que les agriculteurs ont su chez nous, malgré 2000 ans d’agriculture, globalement préserver le patrimoine sol.

Ailleurs dans le monde, lorsque les sols soumis à des conditions climatiques autrement plus agressives et sur la durée, parfois 1 millions d’années, la profondeur des sols peut devenir considérable (30m). L’altération conduit comme nous l’avons vu précédemment à la concentration relative de fer (sols à oxydes, oxisols) et/ou d’aluminium en plus ou moins grande quantité suivant la roche initiale. Dans le cas des matériaux sableux, les particules fines migrent et s’accumulent en profondeur [26].


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Les bases de la fertilité des sols en relation avec la présence des êtres vivants

Pour se développer la plante a besoin d’éléments indispensables qu’elle va trouver dans l’air pour le carbone et pour l’azote dans le cas des plantes de la famille des légumineuses : pois, soja, haricot, luzerne, fève, lupin, acacia…
La photosynthèse est le processus biochimique qui permet aux plantes, aux algues et certains micro-organismes, grâce à l’énergie apportée par le rayonnement solaire, de transformer l’eau et le CO2 en matière organique (glucides). La réaction est globalement une réduction du CO2 avec rejet d’oxygène : c’est donc le processus inverse de la respiration. Cependant la plante respire et le processus inverse se produit avec un rejet de CO2 et le bilan, toujours positif, est estimé à au moins 50%.
Hormis les légumineuses, toutes les autres plantes doivent trouver dans le sol, plus précisément dans la solution du sol, l’eau et les éléments indispensables à leur développement, notamment l’azote, le phosphore, le potassium, le calcium, le magnésium, le soufre, sans oublier les oligo-éléments (cf. diapositives précédentes) [27].
Le stock des éléments indispensables aux plantes est essentiellement retenu à la surface des minéraux et des matières organiques des sols. Comme les constituants précédents possèdent une charge électrique superficielle négative, les cations Ca2+, Mg2+, K+ sont retenus par liaison électrostatique [27,28]. Ces cations sont entourés de plusieurs molécules d’eau, il en résulte qu’ils sont faiblement liés à la surface qui les retient et sont donc aisément échangeables (remplaçables) par d’autres cations, en particulier H+. En fait, à chaque fois que la racine absorbe un ion elle rejette un nombre identique de charges de même signe et en même proportion. La racine prélevant les éléments dans la solution, à son contact il s’établit un gradient de concentration (gradient osmotique) qui tend à arracher les éléments de la surface chargée vers la racine [28].

Diapositive 27

Diapositive 28

Afin de faciliter la biodisponibilité des éléments contenus dans les sols, la nature a conçu des mécanismes d’action tout à fait originaux [29]. Les bactéries et les champignons secrètent des acides organiques et des molécules capables d’entraîner la dissolution rapides des minéraux et, par voie de conséquence, de rendre biodisponibles des éléments indispensables aux plantes, par exemple le phosphore. En outre, chez 80% des plantes, des champignons vivent en symbiose avec les racines : ce sont les mycorhizes. Les champignons mycorhiziens favorisent l’absorption des éléments minéraux par les racines et améliorent ainsi la nutrition de la plupart des espèces végétales. [Ce sont les organes reproducteurs de ces champignons que nous mangeons]. Les hyphes qui composent le mycélium des champignons, peuvent avoir un développement considérable (des centaines de mètres !). En progressant dans le sol ils absorbent les éléments minéraux qui sont alors transportés vers la racine hôte. L’absorption des éléments minéraux peu mobiles dans le sol (phosphate, potassium...) ou adsorbés sur les particules du sol (ammonium...) est particulièrement dépendante de ce mécanisme et il est beaucoup plus efficace que la racine seule, notamment en milieux pauvres comme les forêts.

Diapositive 29

Les carences en éléments minéraux sont toujours d’actualité dans les sols cultivés et forestiers. L’origine principale de ces carences est l’épuisement progressif du sol, notamment par les exportations des récoltes et les pertes dans les eaux. Pour les éléments majeurs et en trace c’est toujours l’élément le plus limitant qui détermine le rendement [30]. Pour les plantes cultivées, en dehors des légumineuses, c’est la disponibilité de l’azote qui est le premier facteur de limitation de la croissance de la plante et de la formation des grains (pour les céréales).

Dans nos régions, des carences subsistent aujourd’hui comme celle en soufre pour le colza, plante particulièrement gourmande en cet élément comme toutes les crucifères. Le bore est aussi un facteur limitant de la production de betterave car sa carence induit une maladie qui entraîne le pourrissement de la racine. De même, dans les sols calcaires, le fer est peu mobile et induit un blanchiment des feuilles entraînant des dégâts aux récoltes, voire la mortalité des plants de vigne.

Diapositive 30

Il est donc clair que si l’on veut cultiver des plantes il est nécessaire que ces dernières trouvent dans le sol les éléments indispensables à leur développement. De tout temps les agriculteurs ont recyclé les résidus de récoltes et les déjections animales (et humaines) afin d’augmenter la quantité d’éléments disponibles. Avec les variétés actuelles on estime que pour produire 1 tonne de blé (grain) on exporte grosso modo 20kg de N, environ 6,5kg de P exprimé en P2O5 [2,4 kg de P] et 5kg de K exprimé en K20 [4,1 kg de K]. Pour un rendement de 10t/ha il faut multiplier ces chiffres par 10… Une des principales causes de l’épuisement des sols est donc l’exportation de grains, en particulier lorsque la production n’est pas recyclée sur place par les animaux. Cette exportation peut se faire à l’intérieur d’une exploitation, d’une ferme à l’autre, d’une région à l’autre (pour les élevages hors sol) ou même d’une région du monde à l’autre (soja du Brésil par exemple pour les élevages français). Il est à remarquer que ce raisonnement ne concerne pas les éléments contenus dans les résidus de récolte (tiges, racines) qui sont normalement recyclés sur place.

Diapositive 31

Les pertes sont aussi dues au départ des éléments dans les eaux de drainage : ceci est particulièrement vrai pour N, l’ion nitrate NO3- qui n’est pas retenu par les charges électriques négatives des argiles et des matières organiques. Enfin il ne faut pas oublier que dans les sols très acides ou très basiques des éléments peuvent se trouver bloqués (P notamment) sous une forme non assimilable ou être transportés par érosion dans l’environnement.
Il est donc essentiel de maintenir dans le sol un stock d’éléments suffisant par des apports de fertilisants, quelle qu’en soit la forme, sans quoi son épuisement est inéluctable et comparable à l’exploitation d’une mine dont les réserves se tarissent jusqu’à épuisement complet [31].

Diapositive 32

C’est bien la situation actuelle de l’Afrique où les pertes annuelles ne sont en aucun cas compensées par des apports : les sols d’Afrique voient leurs réserves naturelles s’épuiser de manière irréversible sans que ces pertes ne soient compensées par des apports, quelle qu’en soit la forme [32].

Les pays industrialisés et les pays en développement sont confrontés à des défis différents [33]. Pour les pays industrialisés se pose aujourd’hui la question des excédents structurels de fertilisants notamment dans les régions où des élevages importent des quantités importantes de céréales venant d’ailleurs pour l’alimentation animale. Dans ce cas de figure, les quantités de fertilisants apportés par les déjections animales peuvent dépasser la quantité d’éléments fertilisants que les plantes peuvent absorber. Dans les pays en développement la situation est beaucoup plus critique puisque l’agriculture, par l’épuisement des sols, met en danger leur pérennité et peut à terme mettre en danger la survie des populations si des moyens ne sont pas trouvés pour aider les agriculteurs à fertiliser leur sol.

Diapositive 33

Toutes les formes d’apport de fertilisants sont bonnes à prendre. Le terreau qui est essentiellement un matériau organique, préparé à partir de résidus végétaux, perd progressivement de sa substance en étant minéralisé par les microbes du sol. Outre l’émission de CO2, la contrepartie de cette minéralisation est la libération progressive des éléments, notamment de NO3- qui a été stocké au départ dans les plantes.

Diapositive 34

Il est possible d’utiliser une multitude de résidus végétaux et animaux pour fertiliser les sols et ainsi contribuer à l’alimentation minérale des plantes. Les terreaux sont commercialisés, mais ils doivent respecter des critères précis établis dans le cadre de normes du ministère de l’agriculture. En revanche, d’autres résidus comme par exemple le purin d’ortie, dont la composition est très variable, ne peuvent pas respecter les règles de commercialisation, à savoir une constance de l’humidité et des teneurs en éléments fertilisants du produit [35].

Diapositive 35

Les boues d’épuration (urbaines ou industrielles) sont les principaux déchets produits par les stations d’épuration [36]. Ces boues sont surtout constituées de bactéries mortes et de matière organique minéralisée.

Diapositive 36

Leur compostage (fermentation à température élevée, jusqu’à 60-70°C) permet de tuer les bactéries pathogènes mais ne peut éliminer les métaux lourds ni les polluants organiques faiblement biodégradables (dioxines, PCB, certains pesticides, etc.). Le risque est a priori plus élevé lorsque des composés bioactifs comme les perturbateurs endocriniens et les médicaments sont retenus dans les boues (et passent éventuellement dans les eaux). Par ailleurs, chaque citoyen est invité à recycler ses déchets, y compris les piles électriques… Ceci fait qu’aujourd’hui la qualité des boues s’est considérablement améliorée. Leur utilisation est soumise à des contraintes réglementaires fortes (directive boue) en matière de périodicité et dose d’épandage, notamment au regard de leur teneur en métaux lourds (non biodégradables). Une forte résistance existe dans le milieu agricole pour l’épandage des boues et les risques que cela comporte pour la contamination des sols sur le long terme. Par rapport aux fumiers et lisiers des élevages les boues représentent une très faible proportion des déchets recyclés par l’agriculture (<1%).
Aujourd’hui, pour l’agriculture « biologique » (appelée ailleurs en Europe « agriculture organique »), l’alimentation minérale des plantes repose sur les stocks présents dans les sols et sur la contribution de la minéralisation des matières organiques résiduelles (racines, résidus de récolte apportés aux sols, résidus de plantes de couverture, fumiers, lisiers) à la fertilisation [37].
Pour cette pratique, à côté du cahier des charges concernant l’absence de pesticides, l’apport d’éléments minéraux sous forme soluble (engrais) est proscrit. Ce sont les réserves minérales et l’activité biologique du sol qui contrôlent l’alimentation minérale des plantes. Dans les zones d’élevage, là où les céréales importées sont en quantités suffisantes, il est possible de compenser les pertes liées aux exportations. Cependant, même dans ce cas de figure, la minéralisation des matières organiques est fortement liée à des facteurs conjoncturels comme l’humidité du sol, la température, l’aération du sol, le type de matière organique présent. Même aujourd’hui la maîtrise du fonctionnement biologique du sol reste encore très problématique. Cela explique en partie la faiblesse des rendements des cultures en agriculture biologique qui est de l’ordre de 50% de celle de l’agriculture conventionnelle. Dans les régions où les récoltes sont exportées, sans qu’il y ait restitution localement, l’absence de rééquilibrage par des apports externes, en particulier sous la forme d’engrais, pose la question de la durabilité de cette pratique. A ce niveau, les pesticides ne sont pas concernés, c’est avant tout la compensation des pertes en éléments minéraux, quelle qu’en soit l’origine et sur le long terme, qui est en cause. Chez nous, dans le passé, comme par exemple aujourd’hui en Afrique, des exemples montrent qu’il a été impossible de faire face aux besoins des populations à cause de l’épuisement des sols.

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Des efforts sont aujourd’hui faits afin d’optimiser la fertilisation, et notamment la contribution de l’activité biologique des sols afin notamment de limiter l’impact environnemental des pratiques agricoles. Il faut tenir compte de tous les apports et de toutes les pertes afin de viser un bilan équilibré. Un exemple est donné pour le cycle de l’azote dans les sols [38]. Les logiciels développés récemment visent à prendre en compte au mieux l’ensemble des facteurs, mais s’agissant de la production agricole, les variations annuelles ne sont pas totalement prévisibles.

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Au 19ème siècle, les sols de France étaient pour la plupart complètement appauvris au plan chimique et la population de la France plafonnait à 28 millions d’habitants avec des famines récurrentes. Durant cette période, la surface du territoire couverte par les forêts représentait 15% du territoire contre 30% aujourd’hui. Les engrais ont été introduits au 19ème siècle, par exemple le guano, essentiellement constitué de déjections d’oiseaux marins, qui a été récolté sur les côtes du Pérou. Les farines de viande et de sang étaient utilisées en maraichage. Par la suite, la synthèse des engrais azotés à partir de l’azote de l’air a été mise au point [39]. Des gisements de potasse et de phosphore ont été exploités. Afin de rendre ces engrais solubles, un traitement chimique est effectué, par exemple l’action de l’acide sulfurique sur un phosphate naturel (tricalcique). A terme, se pose la question de l’épuisement des réserves mondiales, notamment pour P (moins d’un siècle ?), surtout si l’on veut nourrir une population de 9 milliards d’habitants en 2050.
Les engrais doivent répondre à des normes fixées par le ministère de l’agriculture en matière de composition (N, P, K, exprimés respectivement en élément N, et oxydes P2O5 et K20), de solubilité (forme chimique) et d’innocuité (absence de substances toxiques) [40].

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Il ne faut pas confondre :
 d’une part, les engrais, dont le but est de fournir les éléments indispensables aux plantes et sous une forme que la plante peut prélever avec son système racinaire (ce sont les aliments de la plante), et,
 d’autre part, les pesticides, dont le but est de lutter contre les maladies, les insectes ravageurs, ou encore certaines plantes adventices (ce sont les médicaments de la plante).
On distingue les engrais simples (exemple KCl, NaNO3) qui apportent un seul élément, respectivement K+ ou NO3-, les engrais binaires (par exemple le mélange des deux précédents) et les engrais ternaires, généralement NPK, c’est-à-dire qu’ils apportent les 3 éléments essentiels au développement de la plante. Sur chaque étiquette figure la teneur et la forme de chaque élément [41]. Les éléments peuvent provenir de l’industrie chimique ou encore de résidus végétaux ou animaux, mais l’expression de leur teneur est exactement la même.
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Afin d’apporter de l’azote aux cultures, en particulier depuis le 19ème siècle, les agriculteurs pratiquent des rotations de plusieurs cultures et y incorporent la culture de légumineuses. L’azote est le principal facteur limitant majeur de la production agricole (alors que l’atmosphère terrestre est constituée à 80% d’azote). Seuls des organismes particuliers sont capables de réduire l’azote de l’air sous une forme assimilable. Les systèmes fixateurs les plus efficaces sont des symbioses qui réalisent un couplage entre la fixation d’azote et la photosynthèse. Le rhizobium est une souche de bactérie du sol capable d’induire sur les racines des légumineuses la formation d’organes particuliers, les nodosités, au sein desquels ils réduisent l’azote de l’air [42]. Dans cette association à bénéfice mutuel, la plante fournit une niche protectrice et de l’énergie aux bactéries qui, en échange, synthétisent de l’ammoniac pour leur hôte. Cette symbiose rhizobium-légumineuses fournit chaque année, à l’échelle de la planète, une quantité d’azote équivalente à celle synthétisée par voie chimique dans l’industrie des engrais, et joue donc un rôle écologique et économique considérable. Aujourd’hui, avec le retour des rotations, la contribution des légumineuses à la fertilisation azotée semble s’accroître.

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A côté de la fertilisation minérale, l’un des aspects importants de la durabilité des systèmes de production agricole est le maintien de conditions physico-chimiques du sol favorables, notamment afin d’optimiser l’activité biologique. Si l’acidification des sols est un phénomène naturel et permanent, elle est aussi accélérée par l’augmentation de la production. Plus l’activité biologique est intense, plus elle génère des produits acides par les rejets racinaires et par la minéralisation des résidus organiques. Afin de remédier à l’acidification on épand le plus souvent du CaCO3, c’est le chaulage [42]. En premier lieu le chaulage a pour but de lutter contre la toxicité de l’aluminium (pH<5,5). Aux pH plus élevés, proches de 7,0, la vie et l’activité biologique du sol est favorisée, la dimension du réservoir chimique qu’est le sol est augmentée, la stabilité physique (action de la pluie sur le sol) et la sensibilité au tassement sont diminuées. Au total les conditions écologiques sont améliorées.
L’un des effets indirects de la production agricole réside dans la production de nitrate, la forme biodisponible (assimilable) pour les plantes. L’une des questions les plus difficiles à résoudre concerne la production et le devenir des nitrates dans les sols et le réseau hydrographique. Durant la période estivale, la décomposition des matières organiques se poursuit avec la production de nitrates qui sont généralement prélevés par les plantes. Cependant les précipitations ne sont pas suffisantes pour remplir le réservoir en eau qu’est le sol.

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En revanche, dès l’automne et dès lors que l’évapotranspiration devient faible ou nulle, de fortes pluies peuvent permettre à l’eau en excès de drainer en profondeur. S’il existe « un reliquat de nitrate » après récolte ce dernier est éliminé dans les eaux de drainage, ce qui contribue à augmenter les teneurs en nitrates des eaux de source et des eaux superficielles. Il est toujours possible d’installer une plante « pompe à nitrates » mais en hiver, à cause de la température, le développement des plantes est limité. Actuellement les pratiques évoluent afin de limiter les reliquats d’azote dans les sols en automne et afin d’optimiser le rôle des plantes de couverture qui limitent l’encroûtement du sol et l’érosion, et servent de pompes à nitrates.
La carte de France des concentrations en nitrates montre que les eaux les plus chargées se trouvent dans les zones d’élevage, là où des excès structurels d’azote sont liés aux élevages par des importations d’aliments du bétail préparés à partir de céréales et de soja notamment venant d’autres régions [44]. Il faut aussi considérer l’apport de nitrates lié à l’urbanisation, à proximité des villes et dans les zones touristiques. Ceci n’est donc pas nécessairement lié à l’apport d’engrais azotés en excès mais à des bilans globaux, en particulier les déjections animales et les rejets urbains (en l’absence de stations d’épuration efficaces). Dans ce domaine la maîtrise de la fertilisation a beaucoup progressé ces dernières années puisque la baisse de consommation des engrais est de l’ordre de 20% depuis 10 ans malgré une augmentation globale du rendement des cultures.
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Le phosphore est un élément indispensable au développement des plantes et il n’est jamais toxique. Il contrôle les échanges d’énergie et permet la croissance. Il se concentre plus spécialement dans les grains. Les plantes l’absorbent sous forme d’ions phosphate PO43-. P est présent naturellement dans les sols mais en faible quantité. Aujourd’hui les excès de phosphore proviennent principalement des élevages « hors sols » : en particulier poulets, porcs, dindes, et les élevages laitiers [45].

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Contrairement aux nitrates, P ne migre pas dans les sols. En revanche, il est retenu sur les particules fines du sol et il peut être transporté par érosion dans les eaux et ainsi parvenir dans le réseau hydrographique. Il est aussi d’origine urbaine et arrive alors dans les eaux d’égouts (rejets humains, lessives) si les eaux ne sont pas correctement traitées dans les stations d’épuration. Au total, il peut induire le développement d’algues dans les lacs et certaines baies en mer (c’est l’eutrophisation) [46]. La circulation de P dans l’environnement est donc surtout liée à une source importante de P et à des conditions favorisant l’érosion (absence de haies, pas de couverture du sol par la végétation, …).

B. Enjeux actuels

Nourrir le monde

Actuellement, le scénario démographique le plus probable est d’atteindre 9 milliards d’habitants sur Terre en 2050 [47]. Les besoins alimentaires dépendront en fait du régime alimentaire. Aujourd’hui, notre planète compte presque 7 milliards d’hommes mais environ 1 milliard de Terriens souffrent de sous-alimentation chronique (soit une personne sur sept), et 2 milliards sont mal nourris, principalement situés dans les pays en développement. Ce sont les paysans qui sont les premières victimes de la faim (Cf. J.-L.Rastoin).

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Une population mondiale de 9 milliards d’habitants ferait exploser les besoins en alimentation et en énergie. C’est notamment le cas des pays du Sud qui vont accueillir ces 3 milliards de personnes supplémentaires. Dès lors, se posent trois questions :
  Comment va t on produire des aliments en quantité suffisante ?
  Comment respecter les écosystèmes, en particulier les sols ?
  Comment distribuer la production de manière équitable entre tous ?

Déjà, il va falloir multiplier par deux ou trois la production agricole, ce qui ne sera pas simple si les terres entrent en compétition avec celles destinées à la chimie verte (un secteur prometteur) et aux biocarburants [49]. Il faudra certainement mieux maîtriser l’utilisation de l’eau en mettant au point de plantes résistantes à la sécheresse, à la salinité et à haut rendement énergétique. Une des questions est notamment de savoir comment mettre sur pied sous différents climats une agriculture écologiquement intensive, c’est-à-dire qui préserve les milieux et qui produise suffisamment. En France, les coopératives se préoccupent de ces questions car, d’ores et déjà, les rendements des céréales d’hiver plafonnent dans plusieurs régions : est-ce dû à un changement climatique ou à une dégradation des sols ?
Beaucoup de sols qui pourraient a priori être mis en culture ne le sont pas, notamment à cause de limitations d’origine climatique. Aujourd’hui les sols cultivés représentent environ 12% de la surface émergée, soit 1,5 milliards d’ha. Le sud de l’Argentine, comme le nord du Canada ou de la Russie, sont impropres à l’agriculture du fait de l’aridité du climat (trop sec) ou de températures trop basses (période végétative trop courte). Pendant ce temps, les zones tropicales voient la déforestation progresser, notamment en Asie [49]. Comme nous l’avons vu auparavant, ces milieux sont appauvris au plan chimique, fragiles au plan physique et sont généralement toxiques en l’état pour les plantes (toxicité de l’aluminium). Ils nécessitent des investissements lourds pour produire correctement et l’agressivité du climat (température, pluviométrie) les rend difficiles à gérer de manière durable. Sous la pression démographique, faudra-t-il mettre certains grands parcs naturels en culture ? La possibilité de nourrir la population dépendra en particulier du régime alimentaire : il faut au moins 4 kg de céréales pour produire 1 kg de poulet avec un nombre de calories quasi identique !
Une des données cruciales pour le développement de l’agriculture réside dans le niveau de prix des produits agricoles [50]. Aujourd’hui, le kg de pomme est payé environ 0,18€ au producteur. De 1990 à 2004, le prix du blé a baissé de moitié et en 2010 la farine n’entre qu’à hauteur de 5% dans le prix du pain. [Cependant à cause d’accidents climatiques dans le monde, le prix du blé a fortement augmenté en janvier 2011 (260€/t)]. En 2009, le prix du lait au producteur est descendu à 0,22€ par litre, c’est-à-dire au même prix ou même en dessous de l’eau minérale vendue en bouteille. Seules certaines grandes exploitations dans des zones favorables semblent pouvoir survivre sur le moyen terme.

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Ces prix ne permettent pas aux exploitants de survivre, sinon avec des subventions, lesquelles constituent une concurrence déloyale aux productions des régions pauvres : il vaut mieux importer du riz de Thaïlande que de produire sur place, par exemple au Sénégal. La question des prix agricoles est une véritable question de société à l’échelle du monde. Les prix ultrabas risquent de faire disparaître l’agriculture de certaines régions et de faire grossir des mégapoles déjà ingérables…

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Si, en 2011, environ 1 milliard de personnes souffrent de la faim, ce nombre reste "supérieur au niveau d’avant les crises alimentaire et économique de 2008" : elles étaient alors 850 millions, rappelle la FAO [Food and Agriculture Organization of the United Nations, Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation] [51]. 98 % des sous-alimentés proviennent des pays en développement, où ils représentent 16 % de la population, contre 18 % en 2009. "Le fait qu’environ un milliard de personnes continuent d’être victimes de la faim, même après la conclusion des récentes crises alimentaire et financière, traduit un problème structurel plus profond. Les gouvernements devraient promouvoir des investissements accrus dans l’agriculture et élargir les filets de sécurité et les programmes d’aide sociale", conclut la FAO (article du journal Le Monde, 2010) [50]. « La région Asie-Pacifique est la plus massivement touchée, avec 578 millions de personnes affamées, mais c’est aussi celle où la faim a le plus reculé, avec une baisse de 12 % par rapport à 2009. La proportion d’affamés reste la plus forte en Afrique sub-saharienne, avec 30 % de la population qui souffre de la faim », précise la FAO. Les deux tiers des personnes sous-alimentées se retrouvent dans seulement sept pays : le Bangladesh, la Chine, la République démocratique du Congo, l’Ethiopie, l’Inde, l’Indonésie et le Pakistan. Les échanges de céréales représentent environ 10% de la production totale des produits de base (blé, riz, maïs, colza, tournesol…). On ne peut espérer nourrir la population correctement sans une production locale suffisante. Le scénario de doublement de la population africaine ne pourra se réaliser que si la production augmente au moins dans la même proportion. La production agricole risque d’être le principal facteur contrôlant la population.

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Défis actuels

Durant les dernières décennies, et notamment après la 2nde guerre mondiale, la priorité était d’atteindre en France l’autosuffisance alimentaire, ce qui a été réalisé en 1975. L’agriculture s’est modernisée, et avec l’utilisation de produits phytosanitaires (les pesticides), les mauvaises herbes, les maladies, les ravageurs ont été contrôlés de telle sorte que la production a augmenté. Le raisonnement de la fertilisation était avant tout d’apporter aux plantes ce dont elles ont besoin pour leur développement. Les cultures hydroponiques sous serre sont une illustration de cette approche : les racines des tomates et concombres baignent dans une solution (sans terre) qui fournit à la plante les éléments nécessaires à son développement. Ce raisonnement ne peut être adopté pour les cultures au champ [51].
Aujourd’hui la démarche (le paradigme) a changé en raison notamment d’une meilleure connaissance du sol et des interactions entre biologie, physique et chimie [52]. La plante ne peut assimiler que des éléments minéraux simples, mais la voie qui permet de les mettre sous une forme assimilable est essentiellement biologique. Tout le travail des chercheurs a consisté ces dernières années à mieux comprendre les interactions de nature physique (température, eau disponible, aération), chimique (éléments biodisponibles, sources de matières organiques), l’interaction sol-plante (stade végétatif : besoins particuliers de chaque plante depuis la germination des graines jusqu’à la récolte) [53].

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Les connaissances actuelles ont été intégrées dans des algorithmes et les recherches ont permis de « lever les verrous de connaissance ». Ceci a abouti à des modèles opérationnels qui sont notamment utilisés sur la base d’analyses de sols. L’agriculture devient de la haute technologie [53]. Un des résultats marquants est d’optimiser la fertilisation pour la production et de minimiser les pertes d’éléments susceptibles de passer dans l’environnement, par exemple les nitrates. Cette approche présente aussi l’intérêt de tester des systèmes de cultures innovants actuellement en plein développement.
Pour porter un diagnostic sur l’impact des pratiques les chercheurs ont mis sur pied des expériences de longue durée comme sur le site de l’INRA à Versailles. Sur les 42 parcelles, dont 10 témoins, on applique chaque année depuis 1928 un engrais ou un amendement différent [54]. Dans les parcelles témoins (sans traitement), le pH des sols a baissé de 0,8 unité du fait des apports atmosphériques d’acide nitrique et sulfurique (« pluies acides ») : les sols d’aujourd’hui sont différents de ceux du début du 20ème siècle [55]. Les amendements calcaires, comme prévu, permettent de relever le pH qui atteint 8,3. A contrario, les engrais azotés ammoniacaux, sur le moyen terme, du fait de la transformation de NH4+ en NO3- acidifient le milieu (pH 4,0) qui devient inapproprié au développement des plantes cultivées. Cependant, cette expérience ne tient pas compte des pratiques réelles de l’agriculteur (qui aurait chaulé) et en cultivant aurait recyclé des résidus ce qui n’est pas le cas dans cette expérience. Mais cette expérience a le mérite de montrer que l’on peut changer les caractéristiques des sols en quelques années ( 10ans), pour le dégrader, mais aussi pour l’améliorer.

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Un aspect spectaculaire du changement induit par les pratiques est la sensibilité du sol à l’action de l’eau. Nous voyons que dans le sol recevant du CaCO3 l’action de la pluie d’hiver n’a pas détruit les mottes à la surface du sol [56]. Il en est tout à fait autrement des parcelles témoins ou ayant reçu des engrais ammoniacaux : la pluie a fortement dégradé la surface. Pour la parcelle ayant reçu une dose massive de KCl sur 80 ans la surface du sol est complètement dégradée du fait des propriétés particulières de K (entouré d’un grand nombre de molécules d’eau, contrairement à Ca ou Mg) et qui rend le sol instable en présence d’eau. Encore une fois cette expérience extrême ne correspond pas aux pratiques habituelles mais elle a le mérite de montrer comment des effets cumulatifs peuvent modifier les sols.

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En conclusion [57] :
• Avec 20% d’azote en moins par rapport à 1990, la France a produit 30% de céréales en plus en 2009.
• On a amélioré et diversifié les techniques d’apport des fertilisants.
• On peut recycler les résidus, mais les quantités sont limitées.
• Il faut développer l’utilisation des plantes fixatrices d’azote.
• La gestion de la fertilisation a des conséquences sur les propriétés physiques et biologiques des sols.

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Une des conséquences de l’augmentation de la population dans notre pays (on est passé de 45 millions en 1951 à 60 millions en 1999 et à 65 millions aujourd’hui), est la disparition de sols initialement dédiés à la production agricole par les infrastructures et les constructions. Selon l’Union Européenne, c’est une des grandes menaces qui pèsent sur les sols avec l’atteinte à la biodiversité, la perte en matières organiques, l’acidification, le tassement, ou encore la salinisation et la désertification (pays du sud). Chez nous, contrairement à beaucoup de pays, l’extension des villes ne s’est pas faite au dépend des forêts. C’est la raison pour laquelle à proximité immédiate de Paris on trouve encore des espaces forestiers accessibles à la population. Dans la région Île-de-France, l’espace disponible est maintenant occupé par les constructions et les infrastructures dans un rayon de 40km autour de Paris. En revanche, par exemple en Lorraine, les infrastructures et constructions n’occupent qu’environ 8% du territoire et les forêts représentent 46% au même titre que les surfaces cultivées et les prairies [58].

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Sur une superficie de 550 000km2, la surface agricole utile (SAU) de la France est aujourd’hui d’environ 53,2% du territoire, soit environ 300 000km2. Chaque français dispose d’une SAU d’environ 1/2 ha par habitant (5000m2). Chaque année, 66 000 ha à 100 000ha de SAU disparaissent en France au profit de l’urbanisation et du développement des infrastructures. On estime que la surface d’un département disparaît tous les 7 ans. Malheureusement, l’implantation de ces infrastructures concerne généralement les sols les plus fertiles. Selon les géographes il faudrait « sacraliser » le foncier cultivé en densifiant la population des villes, afin de donner un coup d’arrêt au grignotage des sols agricoles. Il en va de la sécurité alimentaire de notre pays sur le long terme.
Un des courants importants de l’agriculture concerne l’intensification écologique de la production agricole [59]. Le constat est qu’au fil du temps, l’homme a artificialisé les milieux naturels pour tenter de mieux les maîtriser. L’intensification écologique s’inspire du fonctionnement de la nature.

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Les initiateurs de cette approche mettent en avant le fait que la performance de l’agriculture ne se mesure pas seulement sur les quantités de biens agricoles produits mais qu’elle doit tenir compte des « services écologiques » rendus, comme la préservation des cours d’eau, l’amélioration de la biodiversité : de la faune du sol à la végétation, la prévention des catastrophes naturelles pour les glissements de terrain, l’érosion en masse et les inondations, la qualité des eaux, notamment celle des zones de captage, mais aussi la beauté des paysages.

Une des voies choisies pour intensifier écologiquement est par exemple le mélange d’espèces ou de variétés afin de mieux utiliser les ressources du milieu et de résister aux variations du climat [60]. On constate par exemple que les mélanges de plantes ou de variétés donnent des plantes plus saines (moins de maladies) et des rendements supérieurs : on redécouvre des pratiques traditionnelles. Des plantes dites « de service » peuvent être introduites dans les cultures afin d’attirer les ravageurs et les détourner de l’espèce cultivée. D’autres sécrètent des substances répulsives pour des ravageurs (œillets d’Inde par exemple). En Île de France, des agriculteurs ont choisi de planter des haies pour servir d’habitat aux « auxiliaires », ennemis naturels de ravageurs, pour améliorer la pollinisation des vergers et cultures de plein champ et limiter l’érosion.

Aujourd’hui, le semis sans labour dans une litière végétale progresse rapidement en France ( 30% des céréales d’hiver) [61]. Le sol n’est plus travaillé ou l’est très superficiellement. C’est donc l’activité biologique du sol, notamment celle de la faune et de la rhizosphère (les racines) qui sont sollicitées pour créer une porosité permettant le développement des plantes et favoriser la biodiversité, notamment la faune du sol. Par ces pratiques, les agriculteurs cherchent aussi à minimiser les coups énergétiques : moins de labour = moins de carburant consommé.
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Protéger la biodiversité

Le sol est un milieu vivant comprenant des microorganismes, la faune et la flore. Tous ces organismes jouent un rôle primordial dans la formation des sols et leur évolution. Ils remplissent également des fonctions environnementales essentielles. Le terme biodiversité a été inventé en 1980 par trois scientifiques américains (Lovejoy, Norse et Mc Manus) pour un projet dont les a chargés le Président Jimmy Carter, qui visait à évaluer les stocks de poissons marins.

On peut parler de biodiversité [62, 63] :
• Au sein des espèces (ex. organes, tissus, cellules, gènes, etc.)
• Parmi les espèces (ex. chats, chiens, vaches, moutons, etc. – le concept le mieux compris)
• Au sein d’écosystèmes (ex. différentes espèces de plantes dans une forêt).

D’après certains chercheurs, le nombre d’espèces vivant sur la planète se situe entre 5 millions et 50 millions. Une estimation courante est de 12,5 millions. Actuellement, seulement 1,5 million d’espèces ont été identifiées ! En fait, notre connaissance et notre compréhension d’un grand nombre de ces espèces est limitée à leur nom, l’endroit où elles vivent et à quelques fonctions vitales.
Le sol est un milieu pour une grande variété d’organismes. Le maintien d’un sol fertile est l’un des services écologiques les plus vitaux produits par le monde biologique, puisque les parties minérales et organiques du sol doivent être constamment renouvelées au fur et à mesure que les plantes consomment ces éléments pour les introduire dans la chaîne alimentaire.

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Les espèces sont multiples : bactéries, champignons, nématodes, protozoaires, arachnides, mollusques, vers, insectes, crustacés, myriapodes, mammifères, racines des plantes... Certaines sont permanentes dans le sol comme les vers de terre, d’autres sont temporaires comme le ver blanc et son stade adulte le hanneton, d’autres trouvent leur habitat dans le sol à temps partiel (coccinelles) [64].


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La faune participe à la fragmentation et à l’enfouissement de la matière organique, secondée par les microorganismes, qui la décomposent. Les organismes du sol participent ainsi au recyclage du carbone et des nutriments minéraux (azote, phosphore, potassium). Ils contribuent également à la dépollution des sols : la faune favorise la dégradation des polluants organiques les rendant accessibles aux microorganismes.

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La faune du sol améliore aussi sa structure (galeries, porosité), sa stabilité en favorisant la circulation des fluides (eau, gaz), sa résistance à l’érosion et sa régénération après des tassements. Enfin, elle facilite le développement des plantes en améliorant l’enracinement des végétaux, et en favorisant et rendant accessible la réserve en eau et les nutriments. La faune du sol se subdivise en groupes différenciés selon leur taille : la microfaune (taille inférieure à 0,2 mm), la mésofaune (taille de 0,2 à 4 mm) et la macrofaune (supérieure à 4 mm).
La microflore du sol, ou micro-organismes, de taille <0,2 mm, regroupe majoritairement les bactéries, les champignons et les algues. Le nombre d’espèces et leur abondance varient en fonction du milieu, des caractéristiques du sol et de son usage. Ainsi, dans une prairie permanente, les bactéries peuvent représenter jusqu’à 1 milliard d’individus par gramme de sol. La densité microbienne a été mesurée dans les sols de France métropolitaine, grâce à une estimation de leur quantité d’ADN. Elle s’échelonne entre 0,1 à 38,8 μg d’ADN par gramme de sol (moyenne de 8 μg). Les trois quarts des sols ont des concentrations situées entre 3 et 11 μg. Les sols les plus riches en ADN microbien sont situés en Lorraine et Champagne-Ardenne et dans les massifs montagneux (Alpes, Massif central, Pyrénées, Vosges). Les sols les plus pauvres se trouvent dans les Landes, le Nord et le Nord-Ouest. Cette distribution géographique s’explique par la texture (granulométrie) des sols, le pH, la teneur en carbone organique et par l’occupation du sol. Les sols présentant la plus grande densité microbienne sont argileux, basiques (pH élevé) et riches en carbone organique. En règle générale, les sols sous prairie ont une densité microbienne bien plus importante que les sols cultivés ou de vignobles. Cependant, la recherche achoppe encore sur des difficultés majeures : seulement 7000 espèces sont connues sur 107 et seulement 0,3% sont cultivables au laboratoire [65].

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Dans le sol, la biomasse peut représenter des quantités de matière vivante considérables [65]. 1000g de terre comprennent environ 2,5g de matière vivante, souvent trop petite pour être visible à l’œil nu : bactéries-champignons, nématodes–protozoaires. Ceci représente au total 5t/ha ou 0,5kg/m2, soit environ 100 moutons ou environ 10 vaches. La partie bactéries-champignons à elle seule peut représenter 5t/ha. Pour les vers de terre (lombrics), la teneur est très variable en fonction de l’utilisation des sols : prairie, culture, forêt [66].

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La zone racinaire (rhizosphère) est un lieu de vie privilégié pour les bactéries [67,68]. Elles y ont un espace pour y vivre : c’est un habitat. Les fluides, oxygène, eau, CO2, oxydes d’azote, méthane peuvent y circuler. Elles y trouvent aussi le carbone organique et les nutriments nécessaires à leur développement. Dans les espaces où les racines ne peuvent pas pénétrer (pores < 30µm), la plupart des bactéries sont en dormance (inactives). A côté du prélèvement des éléments minéraux, l’une des particularités des plantes est de rejeter du carbone par les racines. En effet, outre l’assimilation des cations (K+, Ca++, Mg++,..) et le rejet de protons (H+, produits acides), ces rejets (excrétions et exsudations) mettent à disposition des micro-organismes des substrats de croissance. L’importance des rejets varie selon les plantes, leur stade de développement et les conditions extérieures. Les rejets sont de nature très variée. Des sucres de la famille des polysaccharides jouent par exemple le rôle de liant entre les particules du sol et sont in fine la source d’énergie pour l’ensemble de la vie dans le sol. On estime que pour certaines plantes 40% des produits de la photosynthèse est rejeté par les racines dans le sol [P. Bavet, 1996](68).

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Au final, la chaîne alimentaire du sol, structurée en réseaux trophiques, est essentielle au fonctionnement du sol [69]. Sans cette chaîne alimentaire, le sol serait jonché de déchets animaux et végétaux. A titre d’exemple, les vers de terre consomment des débris végétaux morts (paille, racine) et leurs déjections sont reprises par les bactéries et champignons, les larves d’insectes consomment le bois mort, les mille-pattes consomment les mousses… Les arthropodes (araignées, crustacés) peuvent être regroupés en détritivores, prédateurs, herbivores ou fongivores. Ils se nourrissent en particulier de champignons, de vers et d’autres arthropodes.

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In fine, c’est le jardinier ou l’agriculteur qui va orienter le fonctionnement du sol par ses pratiques. Dans les sols de prairie, l’activité de la flore et de la faune est quasi continue de sorte que les résidus sont en permanence recyclés. Il en résulte que la meilleure protection des zones de captage des eaux pour la consommation humaine, ou encore les sources d’eaux minérales, est la prairie. Les mesures prises pour l’eau de Vittel ont permis de faire baisser la teneur en nitrate de l’eau de source de 50% en 10 ans. Dans les sols cultivés, c’est le travail du sol, avec ses outils qui est la principale cause de mortalité de la faune, en particulier des vers de terre. Dans tous les cas, la condition de développement de la faune est de lui mettre à disposition de la nourriture, i.e. des résidus végétaux.
La communauté européenne préconise plusieurs mesures afin de minimiser les menaces sur la biodiversité [70]. Il faudrait :
  Augmenter la teneur en matière organique. Elle protège contre l’érosion, le tassement, augmente la réserve en eau et soutien le développement des organismes. Les résidus laissés en surface, les rotations et les plantes de couverture favorisent la biodiversité, et contribuent à l’alimentation minérale des plantes,
  Réduire le travail du sol. Cette réduction, ainsi que l’installation d’une couverture végétale, favorisent la protection de la surface. Trop de travail du sol augmente la vitesse de décomposition des matières organiques et favorise l’érosion.
  Limiter les intrants, notamment les pesticides. Les pesticides peuvent endommager les organismes du sol. Il convient également d’éviter l’apport de polluants contenant des métaux lourds. Ceci concerne notamment le cuivre dans les vignobles. Des approches de destruction des nuisibles sans pesticides devraient être de plus en plus utilisées. Pour les fertilisants la question se pose vraiment dans les zones d’élevage hors sols ou urbanisées aux excès structurels de résidus.
  Prévenir le tassement du sol. Le tassement par le passage d’engins lourds diminue l’espace disponible pour les racines, les organismes du sol, mais aussi la quantité d’eau et d’air nécessaire pour le développement des êtres vivants. Le tassement est souvent quasi irréversible.
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En 1881, Darwin avait déjà bien compris l’importance des vers de terre dans les sols [71].

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Il avait montré la formation de la terre végétale par l’action des vers de terre avec des observations sur leur comportement.

Conclusions [72] :
– Le sol forme une mince pellicule entre les roches et l’atmosphère.
– Le sol se forme à partir de roches ou d’apports fluviaux ou éoliens.
– Sa formation est lente : c’est une ressource lentement renouvelable.
– Il est composé de minéraux, et d’animaux et de végétaux morts et vivants
– La vie grouille dans les sols, c’est réellement un milieu vivant.
Les progrès de l’agriculture ont été considérables ces 50 dernières années. La plupart des produits de l’agriculture sont aujourd’hui quasi indemnes de toxines naturelles (essentiellement des mycotoxines provenant des maladies des céréales) contrairement au passé, par exemple l’ergot du seigle qui était mortel. On mangeait d’abord son pain blanc (produit avec de la farine de blé), puis le pain « noir »… C’est aussi une conséquence positive de l’utilisation des produits phytosanitaires.
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Sous les conditions climatiques qui sont les nôtres, la quantité d’eau nécessaire pour produire 1kg de céréales est d’environ 400kg. Pour 1ha (10.000m2), la quantité d’eau nécessaire est de 4000m3 soit une hauteur d’eau équivalente à une somme de précipitations de 400mm : on approche donc la pluviométrie annuelle dans le centre du bassin parisien, autour de 600-700mm. Les sols sont aujourd’hui beaucoup plus desséchés qu’autrefois lorsque les rendements étaient beaucoup plus faibles [74]. Il n’est pas surprenant de voir se développer des systèmes d’irrigation des cultures dans le nord de la France puisque l’eau devient un des facteurs limitants principaux.

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A ce sujet, il faut bien réaliser que produire une céréale ou produire de la viande nécessite une consommation d’eau tout à fait différente, à apport énergétique quasi identique. Si la question est de savoir comment pourra-t-on nourrir l’humanité en 2050, il est d’ores et déjà clair qu’on ne pourra pas le faire par des consommations massives de protéines animales.
Il faut bien avoir en tête que le sol est un milieu soumis à des apports et de pertes dans un équilibre dynamique. Les exportations d’aliments du bétail et de céréales, les zones urbaines tendent à provoquer des déséquilibres (excès de fertilisants ou carences) qui sont des enjeux de société à l’échelle du territoire, européen ou mondial. La durabilité des sols dans les systèmes cultivés exige, pour le long terme, de les équilibrer. Il n’est pas sûr que certaines évolutions actuelles soient au niveau d’exigence que l’on est en droit d’attendre pour la préservation des milieux sur le moyen terme.
En Afrique sub-saharienne notamment se pose la question des solutions à envisager pour l’auto suffisance alimentaire. La question de l’appropriation des terres se pose. Les terres peuvent être vendues à de grands groupes financiers et à des fonds d’états qui échappent aux agriculteurs locaux, notamment pour les cultures vivrières, « Ceci peut mettre en danger la sécurité alimentaire des pays hôtes et l’environnement, même si on peut estimer qu’ils constituent des investissements dans un secteur et des régions qui en ont grandement besoin, et contribuent peut-être à lutter contre la pauvreté et atteindre les objectifs de développement, ainsi qu’à satisfaire les besoins alimentaires de la planète », note le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) et l’OCDE. Mais il semble bien que « Ces opérations ne bénéficient malheureusement pas à la population », note Nathalie Kosciusko-Morizet. Il y a des risques de spoliation, de réduction des terres vivrières, d’augmentation du prix des matières premières, de tensions sociales… D’un point de vue environnemental, les risques sont également nombreux étant donné que les investisseurs pensent à court terme : déforestation, réduction des nappes phréatiques, pollution…’’. « Les revenus tirés de la cession des terres bénéficie rarement aux communautés locales ». Enfin, ’’les services d’écosystèmes fournis par ces terres à la population en général semblent souvent ignorés’’.
Quoi qu’il en soit, pour réaliser l’auto suffisance alimentaire il faudra améliorer les rendements car la production stagne trop souvent et ne suit pas l’augmentation de la population. Il faudra apporter aux cultures les fertilisants permettant de compenser les pertes, voire de reconstituer des stocks, de la même façon que dans d’autres régions du monde. A Madagascar par exemple la consommation d’engrais est de 6 à 8 kg/ha. Les agronomes ont proposé de doubler leur consommation afin d’améliorer substantiellement les rendements. On devrait souvent commencer par lutter contre l’acidification comme on peut le faire par exemple au Brésil. En aucun cas le seul recyclage des résidus ne peut compenser les pertes liées aux exportations des récoltes : l’agriculture biologique (traditionnelle) n’est pas durable, même si après la déforestation les stocks présents dans les sols peuvent fournir aux plantes, de manière très transitoire, les éléments indispensables.
Par ailleurs il est nécessaire de former les agriculteurs à de nouvelles techniques culturales (travail du sol et accès à la traction animale, variétés adaptées, espèces nouvelles pour une diversification de la production, recyclage des déchets, culture de légumineuses pour l’azote), rendre disponible les intrants dans toutes les régions ce qui suppose d’avoir des infrastructures d’approvisionnement et des routes praticables, sensibiliser à l’utilisation des intrants ce qui passe aussi par l’alphabétisation. Un autre aspect concerne le financement : augmenter des points de services en milieu rural, améliorer l’encours de crédit, baisser les taux d’intérêt, alléger les conditions d’accès au crédit (microcrédit)…

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