Sélection naturelle et dérive génétique dans une population d’éléphants Utilisation du logiciel netBiodyn

En Terminale S, une proposition pédagogique d’utilisation de modèles élaborés avec le logiciel netBiodyn afin de construire les notions du programme sur la sélection naturelle et la dérive génétique. On s’appuie sur le suivi temporel de populations d’éléphants dans des grands parcs africains (Luangwa et Addo) dans lesquels il est observé que de plus en plus d’éléphants naissent sans défenses. Les élèves sont amenés à interagir avec les modèles fournis pour les mettre en adéquation avec les données de terrain.

Liaison avec le programme

La proposition pédagogique ci-après se place dans le thème 1A3 du nouveau programme de Terminale S : "De la diversification des êtres vivants à l’évolution de la biodiversité". Ce thème revisite les notions de sélection naturelle et de dérive génétique déjà abordées dans les classes précédente.

Situation déclenchante

“Research at the Queen Elizabeth National Park, Uganda, showed that 15% of female elephants and 9% of males in the park were born without tusks. In 1930 the figure for both male and female elephants was only 1%”.

Source : BBC news,Friday, September 25, 1998

Problème à résoudre

De plus en plus d’éléphants naissent sans défenses. Si cette situation s’interprète aisément dans le cas où les éléphants sont chassés pour l’ivoire de leurs défenses, elle s’observe aussi dans des réserves où les éléphants sont protégés des braconneurs. On souhaite expliquer cette modification de la structure génétique des populations d’éléphants au cours du temps.

Activité

Matériel et ressources

  • Informations scientifiques
    (modifié d’après manuel Bordas p.66-67, TS, édition 2012)

 Données génétiques et biologiques :
Le phénotype sauvage de l’éléphant de la savane africaine (espèce Loxodonta africana) comporte des défenses. Il s’agit des incisives supérieures dont la croissance est continue, présentes chez les mâles et les femelles. Le déterminisme de la croissance des incisives est sous la dépendance d’un gène porté par la portion spécifique du chromosome sexuel X. Chez les individus porteurs d’une mutation de ce gène, la croissance des incisives est inhibée ce qui conduit à l’absence de défenses.
Chez les éléphants, les défenses sont utiles pour la quête de nourriture, la protection des petits et les combats. Elles confèrent également un avantage reproductif.

 Chasse, braconnage et mesures de protection :

Pendant de nombreuses années, sur une période allant de 1900 à 1989, la savane africaine a été victime de chasseurs et de braconniers qui tuaient les éléphants pour vendre l’ivoire de leurs défenses. Face au déclin des populations, des mesures ont été prises. C’est ainsi qu’en Zambie, un traité interdisant le commerce de l’ivoire a été signé en 1989, date de la création du parc national du Sud Luangwa. À partir de cette date, des barrières de protection et des patrouilles anti-braconnage sont mises en place.
Le parc Addo, situé en Afrique du Sud, illustre une mesure de protection très particulière. Il a été créé en 1931 afin de reconstituer une populations d’éléphants réduite à 11 individus (8 femelles et 3 mâles) à la suite d’une chasse intensive. Aujourd’hui, l’effectif du parc Addo atteint 400 individus et la fréquence des éléphants femelles sans défenses est de 90%.

  • Logiciel netBioDyn de simulation/
    modélisation et modèles Luangwa.nbd et Addo.nbd
modèle Luangwa
(Dézipper puis ouvrir avec netBiodyn le fichier Luangwa.nbd)
modèle Addo
(Dézipper puis ouvrir avec netBiodyn le fichier Addo.nbd)

Description des entités contenues dans les modèles :

L’utilisateur peut :
 placer dans un environnement des entités ;
 interagir avec le modèle en modifiant les paramètres de la simulation (effectifs initiaux des entités, demi-vie des entités, probabilités de réalisation d’un comportement).

Le logiciel simule les rencontres entre les entités et affiche l’évolution des effectifs des différentes entités en fonction du temps.

  • Données de terrain

 Graphique 1 : jeu de données concernant la population dans le parc national du Sud Luangwa

Nombre total d’éléphants en fonction des années Pourcentage d’éléphants femelles en fonction des années

 Graphique 2 : jeu de données concernant la population dans le parc national Addo

Nombre total d’éléphants en fonction des années Pourcentage d’éléphants femelles en fonction des années
  • feuille de calcul « effectifs_elephants.xls »
    saisie_effectifs_elephants

    Le fichier effectifs_elephants.xls permet, pour chaque modèle (Luangwa et Addo) de convertir les nombres d’individus (donnés par la simulation) en pourcentages, afin de confronter les résultats de la simulation aux données de terrain et, si nécessaire, faire calculer les fréquences alléliques.

Déroulement de l’activité

Consigne globale
À partir de la manipulation des modèles numériques proposés, retrouvez les mécanismes qui font varier la diversité des populations au cours des générations.
Quelques directives de travail

Pour différentes situations concrètes, il s’agit de réaliser des simulations et d’adapter -si nécessaire- les modèles afin que les résultats prédits par les modèles soient en adéquation avec les données de terrain.
Deux situations peuvent être envisagées :

1. Suivi de la fréquence des éléphants avec ou sans défenses dans la population du parc national de Luangwa, où ont sévi les chasseurs entre 1900 et 1989.

Aide : Ajustez le modèle proposé par défaut (Luagwa.nbd) de manière à le rendre conforme aux données de terrain (Parc du Sud Luangwa, graphique "pourcentage d’éléphants femelles sans défense en fonction des années") puis expliquez les variations de fréquence des éléphants sans défenses entre 1969 et 1993.

2. Suivi de la fréquence des éléphants avec ou sans défenses dans le parc national Addo à partir de sa création en 1931.

Aide  :
 À partir des données de terrain (effectifs en 1931 et effectifs en 2007), formulez une hypothèse sur le mécanisme évolutif ayant conduit à la fréquence élevée des éléphants sans défenses dans le parc Addo
 Prévoyez la conséquence vérifiable de cette hypothèse
 Testez l’hypothèse en réalisant les simulations appropriées avec le modèle Addo.nbd

Un exemple d’exploitation de ces ressources

1. Concernant le parc Sud Luangwa en Zambie


Le paramétrage des effectifs pour l’année 1969 (t=0 de la simulation) doit tenir compte des proportions d’éléphants connus au Sud Luangwa pour cette même année (graphique 1).

Placement des entités à t=0 dans le modèle Luangwa.nbd

En faisant fonctionner le modèle Luangwa.nbd, on se rend compte que les proportions d’éléphants sans défenses calculées par le modèle sont nettement supérieures à celles mesurées en 1989 (les données de terrain fournies par le graphique 1 ne rapportent que 38% d’éléphants femelles sans défenses en 1989).

Simulation des effectifs d’éléphants au Sud Luangwa à partir de 1969

Graphique des effectifs calculés par le modèle Luangwa.nbd pour la période 1969-1989

Il convient donc de modifier certains paramètres du modèle, en exploitant les informations scientifiques. Ces dernières indiquent que : "Chez les éléphants, les défenses sont utiles pour la quête de nourriture, la protection des petits et les combats. Elles confèrent également un avantage reproductif".
L’élève est ainsi invité à agir sur deux points :
 une modification de la "demi-vie" des éléphants sans défenses (par défaut dans le modèle fourni, elle est réglée à 1000 tics (unités arbitraires de temps) pour chaque entité, ce qui signifie qu’au bout de 1000 tics la moitié des entités d’une population initiale aura disparu) :


 une modification de la probabilité de réalisation du comportement reproducteur des éléphants sans défenses (par défaut dans le modèle fourni chaque équation de reproduction a une probabilité de 0,1 de se réaliser) :

Remarque : Pour les élèves rencontrant des difficultés pour ajuster le modèle, le dossier zippé "Modèle Luangwa" contient, en plus du fichier "Luangwa.nbd" (modèle non corrigé), un fichier "correctionLuangwa.nbd" représentant le modèle ajusté.

Une fois les ajustements effectués, la simulation est réinitialisée et une pause est effectuée lorsque la proportion de femelles sans défenses atteint celle des données 1989, soit environ 38% :

Graphique des effectifs calculés par le modèle correctionLuangwa.nbd pour la période 1969-1989

Il s’agit alors de supprimer (en utilisant l’outil "gomme") les chasseurs, au motif suivant : " en Zambie, un traité interdisant le commerce de l’ivoire a été signé en 1989, date de la création du parc national du Sud Luangwa. À partir de cette date, des barrières de protection et des patrouilles anti-braconnage sont mises en place".
Il faut ensuite relancer la simulation, puis l’arrêter une fois que la proportion de femelles sans défenses atteint celle des données 1993, soit 29% :

Graphique des effectifs calculés par le modèle corrigéLuangwa.nbd pour les deux périodes 1969-1989 et 1989-1993

On est désormais en présence d’un modèle "éprouvé " par les données de terrain. Il reste à discuter des variations dans les populations d’éléphants pour les deux périodes de temps.

— >Une explication des variations constatées entre 1969 et 1989 :

La proportion d’éléphants femelles Xi/Xi et Xi/Xi- diminue (= la fréquence du phénotype "avec défenses" diminue) car des éléphants avec défenses sont tués par les chasseurs pour l’ivoire de leurs défenses. Ces individus décimés ne participent plus à la reproduction, ce qui fait diminuer la fréquence de l’allèle i. Dans la même période de temps, les éléphants femelles sans défenses de génotype Xi-/Xi- sont, dans un environnement contenant des chasseurs, avantagés par rapport aux femelles avec défenses. L’allèle i- se répand davantage dans la population et la fréquence du génotype Xi-/Xi- augmente.

  • Dans le parc de Luangwa entre 1969 et 1989, la sélection naturelle a retenu les éléphants femelles sans défenses.

— >Une explication des variations constatées entre 1989 et 1993 :

La proportion d’éléphants femelles Xi-/Xi- diminue (= la fréquence du phénotype "sans défenses" diminue) car les éléphants sans défenses sont désavantagés (protection des petits, combats, recherche de nourriture, comportement reproducteur) dans un environnement sans chasseurs où
peuvent se multiplier les éléphants avec défenses.
Dans la même période de temps, la proportion d’éléphants femelles avec défenses augmente car ces individus qui ne sont plus décimés par les chasseurs participent davantage à la reproduction. L’allèle i se répand davantage dans la population.

  • Dans le parc de Luangwa entre 1989 et 1993, la sélection naturelle a retenu les éléphants femelles avec défenses.

Le schéma ci-après résume les causes des modifications constatées :

En somme, le sens (positif ou négatif) de la pression sélective dépend des conditions environnementales : la notion de génotype avantageux ou désavantageux ne se conçoit que dans un milieu donné. Dans le parc du Sud Luangwa, la sélection naturelle a joué le rôle de filtre en retenant les éléphants qui survivent le mieux et qui ont le plus de descendants dans les conditions du moment.

2. Concernant le parc Addo en Afrique du Sud


Il s’agit d’expliquer la fréquence actuellement très importante des éléphants sans défenses dans ce parc alors qu’ils sont à l’abri des chasseurs. Le phénomène de sélection naturelle ne permet pas d’expliquer cela. L’évolution observée s’étant faite à partir d’un tout petit effectif, les élèves peuvent évoquer une dérive génétique (programme de SVT de seconde) qui aurait exagéré la fréquence de l’allèle i-. Si cette hypothèse est vraie, des simulations réalisées avec des effectifs initiaux plus importants doivent donner lieu au cours du temps à des variations moins marquées des fréquences alléliques.
Il s’agit donc, pour éprouver l’hypothèse :
 De reproduire fidèlement la situation initiale (année 1931) en utilisant les données connues (effectifs lors de la création du parc Addo). Le fichier "effectifs_elephants.xls" permet de calculer les fréquences alléliques initiales.

Ensuite, la simulation est lancée puis arrêtée lorsque le nombre total d’individus est voisin de 400 (nombre d’éléphants recensés dans le parc en 2007). Voici un exemple de résultat :

 De réaliser d’autres simulations dans lesquelles l’utilisateur fait varier les effectifs initiaux tout en conservant leurs proportions. Voici deux exemples de modifications :

  • avec des effectifs initiaux deux fois plus importants

Situation initiale :

Simulation jusqu’en 2007 :

  • avec des effectifs initiaux dix fois plus importants

Situation initiale :

Simulation jusqu’en 2007 :

Les simulations réalisées indiquent que dans le parc Addo la modification de la diversité des allèles se produit de façon plus marquée lorsque l’effectif de la population est faible. Il s’agit bien d’une dérive génétique.
Le schéma ci-après résume les causes des modifications constatées :

Comme la population des éléphants du parc Addo était de petite taille, la dérive génétique a été très marquée et les éléphants sans défenses se sont majoritairement répandus dans la population, alors que leur phénotype ne leur conférait pas d’avantage sélectif.

Quelques liens utiles

— > Présentation de l’outil netBidyn et didactiel : sur le site Acces de l’IFé

— > D’autres propositions pédagogigues autour de l’utilisation de netBiodyn :

* sur le site SVT de l’académie de Versailles :
 Modélisation numérique des conditions de dépôt de la matière organique en Seconde : https://svt.ac-versailles.fr/spip.php?article749
 Modélisation numérique de la dérive génétique dans le cadre d’une tâche complexe en Seconde  :
https://svt.ac-versailles.fr/spip.php?article753

* sur le site de l’IFé :
 dans le domaine de l’évolution
 en immunologie (nouveau programme Terminale S)

Auteur de cet article : Anne FLORIMOND, lycée Richelieu, Rueil-Malmaison.
Remerciements à Laurent Guerre pour son aide et ses conseils.

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