Mini graben à la carrière de Vigny

Une sortie de géologie dans le Vexin : la carrière de Vigny

Le site de Vigny correspond à une carrière aménagée par le conseil général du Val d’Oise pour : protéger l’écosystème ainsi que des structures géologiques uniques, et assurer la sécurité des visiteurs. Il est interdit de faire des prélèvements dans la carrière, cependant des échantillons sont mis à disposition dans un grand bac près du tableau panoramique proche de l’ancien four à chaux face à la carrière.
Une autorisation de visite préalable est donc à solliciter auprès du Conseil général du Val d’Oise pour retirer les clés : soit au Parc Régional du Vexin, soit à la mairie de Vigny. Il est conseillé de s’y prendre quelques mois à l’avance ! Pour cela il faut s’adresser à madame D.Seradzski (conseil général du Val d’Oise).
On peut aussi participer à des stages de formation destinés aux enseignants (gratuits) pour comprendre la géologie de la carrière de Vigny, ils sont organisés par le conseil général du Val d’Oise.
Informations générales sur la carrière

A) Les intérêts géologiques dans l’échelle stratigraphique

B) Précisions sur l’exploitation de chaque site
(Présentation du plus ancien au plus récent)

C) Reconstitution chronologique des événements

D) Bibliographie


A) Les intérêts géologiques dans l’échelle stratigraphique

Intérêts géologiques

Age des roches
en Ma

 

Site n ° 8 : Mise en évidence d’un climat périglaciaire

De moins de 100 000 ans

Quaternaire
-2 Ma à actuel

Lacune

-2 à –60,5

 

 

Tertiaire

 

Site du bois des Roches : Mise en évidence d’une mer peu profonde en climat chaud

Site n°4, n°5, et n°7 : Formation d’un graben

Site n ° 5 et 7 : Mise en évidence d’un bord de côte similaire à la Bretagne

Site n°4 : Paléo-falaise sous-marine

 

Danien
-65 à –60,5

Lacune

Maestrichtien
–73 à –65

 

Crétacé

 

Secondaire

 

 

Site n ° 4 : Formation du Crétacé

 

Campanien
-83 à –73

Remarque : les numéros des sites correspondent à ceux employés dans la carrière

B) Précisions sur l’exploitation de chaque site (Présentation du plus ancien au plus récent)

 Site n°4 :

La façade Nord-Est de la carrière. A mi-hauteur des élèves observent les sites n°4 et n°5

Le test HCl sur la roche est positif, c’est une roche tendre qui tache les doigts, donc c’est une roche sédimentaire carbonatée.

Observation à l’œil nu : roche qui contient quelques brachiopodes, bélemnites, etc.. mais qui ne
sont pas visibles lors de la visite de la carrière, car on ne peut y faire de prélèvements (site géologique protégé).

Observation au microscope électronique de cette roche : présence de coccolites, c’est de la craie !

Schéma simplifié d’un coccolithophoridé actuel appartenant au phytoplancton.

Lacune :
Rappel : il y a deux possibilités pour interpréter une lacune :

  • soit un non dépôt : émersion ou courants sous-marins balayant les sédiments et empêchant leur dépôt.
  • soit un dépôt suivi d’une érosion.

Suite n°4 :

  • Pente de la craie : 15°
  • Le pan vertical de la craie a été perforé en surface par des organismes et encroûté avec le calcaire à algues (hard-ground).
  • Présence de traces d’oxyde de fer (et manganèse) sur le pan de craie qui suggère que ce fût une falaise sous-marine d’après le principe d’actualisme.
  • Présence de stries sur le pan de craie qui révélent que l’escarpement est issu d’un jeu de faille de type normal.

 Site n° 5 et n°7 :observation à l’œil nu : roche qui contient des : bivalves, gastéropodes, de débris roulés de coraux, de piquants d’oursins. Cette roche est comparable avec du maërl actuel de Bretagne : débris d’algues roulées similaires, d’après le principe d’actualisme cela révélerait un milieu agité avec une profondeur de 50 métres maximum.
Par curiosité on peut réaliser des lames minces du maërl et les observer au microscope optique polarisant.
Les quatre principaux éléments facilement identifiables sont les suivants :

Section d’algue du maërl (pas d’extinction en lumière polarisée). longueur : 3,6 mm.

A ne pas confondre avec une section de radiole d’oursin du maërl ci-dessous (extinction complète en lumière polarisée).

Ci-dessus, section de gastéropode du maërl. diamètre : 2 mm

Ci-dessus, section de corail du maërl de Vigny : diamètre : 3 à 4 mm

 Sites n°4, n°5, et n°7

Schéma n°1 : vue (NW-SE )de la façade NE de la carrière
Remarque : les distances mesurées ont été faites approximativement avec un télémétre.

schéma n°1 bis : Reconstitution schématisée en perspective des sites n°4, n°5 et n°7. A correspond à la craie, B et C au calcaire à algues, D à des éboulis.

Au site n°4, le calcaire à algues qui est plus récent que la craie, est plaqué à la verticale sur le pan de la falaise de craie, ce qui est inattendu selon le principe de superposition.

Aux sites n°5, et n°7 : les couches de calcaire (à algues) du Danien semblent intercalées entre les couches de craie (Campanien), or les roches sédimentées ne sont pas plissées, donc c’est inattendu selon le principe de superposition.

Vue de profil des sites n°4 et n°5.

Décalage minimal de 4,5 mètres : entre le bord de la falaise de craie du site n°4 et l’extrémité du site n°5.
Au site n°4 : du calcaire à algues est plaqué sur la falaise de craie.
Au site n°5 : Le calcaire à algues repose sur la craie.

Interprétation des sites n°4, n°5, n°7

D’après le principe d’actualisme, les structures semblent être des blocs basculés de craie provoqués par une divergence, sur lesquels se seraient déposé du calcaire à algues.
Des organismes auraient perforé les falaises de craie et se seraient fixé dessus.

Remarque : la morphologie du terrain incite vers le schématisation ci-dessus. En toute rigueur, les éboulis créent une incertitude qui conduit à estimer que la limite SW (en pointillés) du bloc basculé pourrait se situer au niveau du site n°7.

Il existe des profils sismiques réalisés par le BRGM qui a quadrillé la région pour la recherche pétrolière, et certains profils ont été réalisés à proximité de la carrière.
Si leur résolution est bonne pour répondre à l’objectif pétrolier, la résolution n’est suffisante pour interpréter en surface les 200 premiers mètres qui concernent le graben de Vigny.

Au-dessus des sites n°4 et n°5 : on peut remarquer un dépôt d’algues orientées, qui indique un courant sous-marin dirigé du Nord-Ouest vers le Sud-Est.

D’où le schéma d’interprétation suivant : ce mini graben de la couche de craie campanienne formait un chenal traversé par un courant qui déposait des algues (d’où formation du maërl) sur les blocs basculés de craie.

 Site du bois des Roches

Site qui se situe dans le bois des Roches qui surplombe le site n°8.

Les restes fossilisés ne sont pas d’une qualité facilement exploitable pour que des élèves puissent identifier un platier récifal, mais l’emplacement est bien net. La photo ci-dessous a été réalisée à partir d’un échantillon prélevé avant que la carrière devienne un site protégé.

Observation à l’œil nu : branches de corail provenant du platier récifal (8cm à la base et 15cm au sommet).
Ce morceau provient d’un bloc de roche éboulé, mais actuellement enfoui sous de la terre pour des raisons de sécurité. Les branchages sont verticaux et font partie d’un bouquet plus important. Le calcaire corallien est en branchages fixé sur du corail en plateau donc d’après le principe d’actualisme : il y avait une mer chaude et peu profonde !

Ce platier récifal est retrouvé sur la craie aux bords de la carrière mais jamais au centre.
D’après le principe de recoupement : si le corail s’était déposé avant la formation du bassin d’effondrement, alors il aurait dû y avoir des coraux retrouvés au centre de la carrière, donc le corail s’est installé après la formation du graben.

Reconstitution d’une coupe NE-SW de la carrière au Danien-moyen

 Site n°8

Observation de craie cryoturbée.

D’après le principe d’actualisme, ce phénomène se réalise dans un contexte de climat périglaciaire, tel que les steppes de Sibérie (toundra).
Le sous-sol est imperméabilisé en profondeur car l’eau ne peut plus s’infiltrer dans le sol gelé en profondeur, cependant la craie superficielle est liquéfiée au cours des phases de dégel (craie cryoturbée), cette liquéfaction de la craie permet l’enfoncement des masses de lœss et la remontée de la craie liquéfiée entre les masses de lœss.

C) Reconstitution chronologique des événements

 Campanien (Crétacé) : dépôt de la craie

 Maestrichtien : lacune

 Début du Danien moyen : formation du graben

 Danien moyen-sup : accentuation des jeux de failles, et formation du platier récifal.

 [-60,5 à –2 Ma] : lacune

 Quaternaire : univers de type toundra, formation de la craie cryoturbée.

 Actuellement : climat tempéré, avec une altitude de : 76 m.

Questions suggérées par les données de cette carrière :

La disparition de la mer et les lacunes successives suggèrent qu’il y aurait pu avoir une alternance de transgressions et de régressions marines. Quels facteurs sont responsables de ces variations ?

Le calcaire récifal daté du Danien révèle un climat tropical, or la latitude de la France à cette époque est proche de celle d’aujourd’hui : existait-il une calotte glaciaire au pôle nord ? A-t-elle disparue, puis est-elle réapparue ?

Le calcaire récifal daté du Danien révèle un climat tropical, or la craie cryoturbée du quaternaire révèle un climat périglaciaire, de plus actuellement le climat est de type tempéré. Quels facteurs sont responsables de ces variations climatiques ? Les activités humaines ne peuvent être impliquées à ces époques. Quelles hypothèses pourraient-on émettre ? A suivre en cours de terminale spécialité SVT….. !!!!

D) géologie appliquée

Si la carrière a été exploitée dès 1769 pour le bâtiment (qualité physique et ornementale de la pierre de Vigny), son activité a été optimisée de 1818 jusqu’à 1990. C’est surtout le calcaire à algues et un peu le calcaire récifal qui ont été utilisés pour la construction. Cependant la craie a aussi été utilisée pour l’amendement des sols et la production de chaux ou différents composés industriels.

E) Bibliographie

Pour tenir compte des exigences pédagogiques et des capacités des élèves, cette sortie de géologie présente une interprétation simplifiée et non exhaustive des événements géologiques exploitables.
Deux présentations plus complètes ont été réalisées par :

 Christian Montenat,Les carrières du bois des Roches à Vigny dans le Val d’Oise, brochure, CDDP du Val d’Oise/conseil général du Val d’Oise, 2010.

Cette brochure incontournable est disponible gratuitement à la médiathèque du CDDP du Val d’Oise, elle permet aux enseignants de s’approprier le lieu et ses composantes géologiques pour éventuellement en préparer la visite.
En complément, le site du CDDP Val d’Oise propose l’intégralité des images et graphiques de la brochure, des fichiers qui peuvent être utilisés à des fins pédagogiques (projection en classe, TNI...) : voir le site du CDDP du Val d’Oise

 Johann Houdelin (Université de Cergy-Pontoise) et Elodie Vautherin (IGAL).
Elle contient une photo numérique de microscopie électronique de coccolithes de la craie de Vigny.
Elle est accessible sur le site :http://modules.valdoise.fr/environnement/vigny/accueil.asp

Photo numérique de coccolithophoridé actuel : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Coccolithovirus.jpg

 Album de photos de cet article sur Vigny avec une meilleure résolution : http://nicolas-martin.ac-versailles.fr

 Montenat (C), Barrier (P), D’Estevou (P), The Vigny limestones : a record of Palaeocene (Danian) tectonic-sedimentary events in the Paris Basin, Sedimentology, 49, 2002, p421-440

 Foucault (A.), Raoult(J-F).- Dictionnaire de géologie.-3ième édition, Masson.
Pomerol (Ch.).- Guides géologiques régionaux (Bassin de Paris, Ile-de-France, pays de Bray)- 3ième édition, Masson.

 Martin (N) .Une sortie de géologie dans le Vexin : la carrière de Vigny. APBG n°3 de 2007.

Je tiens à remercier :

Monsieur C.Montenat (professeur à l’IGAL, CNRS) pour m’avoir guidé dans l’élaboration de cette sortie et
la rédaction de l’article dans l’APBG. Monsieur Montenat pourra fournir plus d’informations pour les
enseignants. christian.montenat@nordnet.fr

Monsieur J.Bébien (professeur à l’université d’Orsay) : pour la réalisation des lames minces du maërl.

Monsieur S.Girard (conseil général du Val d’Oise) : pour m’avoir autorisé et facilité l’accès à la carrière : sebastien.girard@valdoise.fr

Madame D.Seradzski et monsieur B.Duchossoy (conseil général du Val d’Oise) : pour leur accueil.
Tel  : 01 34 25 76 22
dominique.seradzski@valdoise.fr

Madame C.Robert et monsieur V.Detrait (guide du parc régional du Vexin) : pour leur accueil.
http://www.pnr-vexin-francais.fr/.


Contacter l’auteur de cet article : Nicolas Martin, lycée Léopold Sédar Senghor de Magnanville

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