Terminale Enseignement Scientifique

L’effet de la fragmentation de l’habitat sur le crapaud commun avec le logiciel Édu’modèles pour aborder la simulation numérique simplement

La biodiversité est une notion abordée dès le collège et approfondie au lycée en classe de seconde, où les élèves étudient les principaux mécanismes responsables de son évolution (mutation, sélection naturelle/sexuelle et dérive génétique). Même si certains élèves spécialistes complètent ces mécanismes en Première et en Terminale spécialité SVT, la majorité des élèves que nous avons en classe d’Enseignement Scientifique, ne sont pas allés plus loin et ont parfois du mal à remobiliser leurs connaissances.
De plus, le préambule du programme stipule explicitement que « Le traitement des thèmes figurant au programme permet de présenter des méthodes, modèles et outils mathématiques utilisés pour décrire et expliquer la réalité complexe du monde, mais aussi pour prédire ses évolutions ». Pour cela, « des outils numériques variés trouvent des applications dans le cadre de l’enseignement scientifique : logiciels de calcul ou de simulation, environnements de programmation, logiciels tableurs, etc. »
Les outils de modélisation et de simulation ont donc toute leur place dans cet enseignement et sont un atout pour permettre aux élèves d’aborder de manière concrète des notions parfois complexes et abstraites, tout en leur présentant des outils et des méthodes qui les aideront à mieux appréhender le travail des scientifiques.

Professeur

Olivier LICENSE, au lycée Richelieu, Rueil Malmaison (92)

Caractéristiques de la séance

LIAISON AVEC LE PROGRAMME
Niveaux concernés Terminale Enseignement Scientifique
Partie du programme Dans le sous-thème « 3.1 – La biodiversité et son évolution » du thème 3 : « Une histoire du vivant ».
PLACE DANS LA PROGRESSION
Cette séance suit des séances où ont été étudié différentes méthodes pour recenser la biodiversité (échantillonnage, métagénomique), estimer l’effectif d’une population (méthode CMR) et évaluer si une population s’écarte de l’équilibre de Hardy-Weinberg sous l’effet de différents mécanismes évolutifs (sélection naturelle par exemple avec le logiciel Gene’pop).
MISE EN SITUATION
De nombreuses activités humaines telles la déforestation, l’agriculture et la construction d’infrastructures comme les routes, réduisent la surface des habitats naturels en plus petites zones isolées les unes des autres. Actuellement, 70% de la forêt mondiale se trouve à moins de 1 km de la lisière à cause de la fragmentation d’origine anthropique.
De nombreuses espèces d’animaux et de végétaux ne peuvent pas vivre à proximité des lisières car les conditions de vie y sont différentes (insolations, vents, bruits, etc.) : c’est l’effet lisière. De plus, la fragmentation est connue pour avoir un effet négatif significatif sur les populations en diminuant leur taille, mais aussi en limitant les flux génétiques entre les communautés isolées, aboutissant ainsi à un appauvrissement génétique de ces communautés (consanguinité avec pertes d’allèles).
Le crapaud commun (Bufo bufo) est l’une des espèces françaises qui souffre de la fragmentation de son habitat (forêts, mares), car il est obligé de parcourir des distances importantes et de traverser les routes, afin d’accomplir son cycle de développement et de reproduction.
Pour lutter contre l’effet néfaste de la fragmentation de son habitat par les routes, de plus en plus de communes mettent en place des crapauducs reliant les parcelles isolées et permettant aux crapauds et autres amphibiens de circuler en toute sécurité (Fontainebleau, Rueil Malmaison…).
PROBLÈME À RÉSOUDRE

A l’aide du modèle fourni, réaliser des simulations permettant de valider :

  1. l’effet délétère de la fragmentation de l’habitat du crapaud commun au niveau de l’effectif global de sa population et au niveau génétique ;
  2. l’intérêt des crapauducs pour lutter contre les effets de la fragmentation de son habitat.
PRODUCTION ATTENDUE
Un fichier numérique répondant au problème, illustré de captures d’écran et des graphiques demandés avec l’analyse et la critique de vos résultats.
NOTIONS, SAVOIR-FAIRE, COMPÉTENCES
Notions
  • Extrait du programme de Terminale Enseignement Scientifique (Bulletin officiel spécial n°8 du 25 juillet 2019) :
    « La fragmentation d’une population en plusieurs échantillons de plus faibles effectifs entraîne par dérive génétique un appauvrissement de la diversité génétique d’une population.
    La connaissance et la gestion d’un écosystème permettent d’y préserver la biodiversité.
    À partir d’un logiciel de simulation, montrer l’impact d’un faible effectif de population sur la dérive génétique et l’évolution rapide des fréquences alléliques. Analyser des documents pour comprendre les mesures de protection de populations à faibles effectifs. Identifier des critères de gestion durable d’un écosystème. Envisager des solutions pour un environnement proche. »
Savoir-faire
  • Utiliser un modèle numérique pour réaliser différentes simulations.
  • Tester l’effet d’un paramètre.
  • Traiter et analyser des données numériques.
Compétences transversales
  • Exprimer à l’écrit les résultats d’une recherche.
  • Communiquer en utilisant le numérique.
  • Comprendre les responsabilités collectives sur l’environnement.
Cadre de référence des compétences numériques (CRCN)
  • Interagir
  • Partager et publier
  • S’insérer dans le monde numérique
  • Adapter les documents à leur finalité
  • Développer des documents textuels
  • Programmer
  • Évoluer dans un environnement numérique
  • Gérer des données
  • Traiter des données

Déroulement de la séance

Capture écran logiciel
ACTIVITÉ
Durée  : une séance de 55 min Coût  : 0 euros Sécurité : RAS
OUTILS NUMÉRIQUES ET RESSOURCES
Logiciel Édu’modèles Modèle algorithmique (multi-agents), niveau expert
https://www.pedagogie.ac-nice.fr/svt/productions/edumodeles/algo/index.htm
Fiche élève
Fiche élève
Fichier Modèle 1 parcelle
Modèle 1 parcelle
Fichier Tableur automatisé Pour recueillir les résultats des simulations, faire les calculs et tracer les graphiques.
Fichier Excel
Fichier Open Spreadsheet

Alternative à la fiche élève : image interactive créée par Mélanie Fenaert
Cette image interactive élaborée avec Genially est réutilisable.
Accès direct : https://view.genial.ly/6426f16f757f2f001872ecd5/interactive-content-frogmentation.


Déroulement détaillé de la séance

DÉMARCHE POSSIBLE
  • Réaliser 4 simulations pour une seule parcelle et à la fin de chaque simulation, compléter le tableau de l’onglet approprié du fichier Excel.
  • Découper la zone en 2 parcelles égales avec une route centrale bordée d’une lisière de chaque côté. Réaliser 4 nouvelles simulations et compléter l’onglet « 2 parcelles ».
  • Découper ensuite la zone en 4 parcelles égales (avec une deuxième route perpendiculaire à la première) et refaire 4 nouvelles simulations pour compléter l’onglet « 4 parcelles ».
  • Avec les moyennes obtenues, tracer les graphiques présentant l’effectif total moyen de la population de crapauds et le nombre moyen d’allèles par parcelle, en fonction du nombre de parcelles. Analyser les résultats pour répondre à la première question.
  • Sur le modèle à 4 parcelles, ajouter des crapauducs de 3 pixels verts de large, considérés comme des passages sous les routes (qui ne sont alors plus visibles à ces endroits) pour relier les différentes parcelles. Puis refaire 4 simulations pour compléter l’onglet dédié.
  • Comparer ces résultats à ceux des 4 parcelles isolées et répondre à la deuxième question.
  • Critiquer le modèle utilisé et le traitement des résultats obtenus.

Informations sur le logiciel Édu’Modèles et sur le modèle fourni

Modèle 1 parcelle
  • Édu’Modèles est un logiciel créé par P. Cosentino (académie de Nice) qui permet de faire de la modélisation algorithmique, c’est-à-dire que les modèles sont basés sur des algorithmes simples utilisant des agents (entités) qui interagissent entre eux grâce à des règles (comportements).
  • Une parcelle de forêt est modélisée avec différentes zones  :
    • en vert : la zone où les crapauds peuvent circuler, vivre et se reproduire (forêt ou crapauduc)
    • en gris clair : la lisière, zone non favorable aux crapauds
    • en gris foncé : la route, zone que les crapauds ne peuvent pas traverser.
  • Agents du modèle  : On modélise 3 génotypes de crapauds pour un gène A possédant 2 allèles possibles A1 et A2 :
    • A1//A1 : crapauds possédant 2 allèles A1 du gène A
    • A2//A2 : crapauds possédant 2 allèles A2 du gène A
    • A1//A2 : crapauds possédant 1 allèle A1 et 1 allèle A2 du gène A
  • Règles du modèle  : les 6 règles décrivent les différentes possibilités de reproduction entre les 3 génotypes de crapauds.
  • Utilisation du modèle  :
    • le paramétrage des agents et des règles du modèle ne doit pas être modifié ;
    • le nombre initial de crapauds est de 30 par génotype, répartis aléatoirement dans la zone verte ;
    • il faut laisser tourner suffisamment la simulation avant d’observer le résultat (2000 tours) en mettant le curseur de la vitesse de simulation au maximum ;
    • pour rajouter des routes, des lisières ou des crapauducs, il faut cliquer sur l’outil Zones en haut à droite, puis après avoir choisi le type de zone, la dessiner à l’aide de l’outil crayon et valider.
Captures d’écrans
Modèle 2 parcelles
Modèle 4 parcelles
Modèle 4 parcelles avec crapauducs
Modèle 6 parcelles

Explications à l’intention des enseignants

  1. Dans cette activité, le modèle est directement donné aux élèves sans qu’il nécessite de modification. Il s’agit seulement de l’utiliser pour réaliser des simulations visant à tester l’effet de la fragmentation de l’environnement des crapauds. Les élèves doivent juste rajouter des routes (et des lisières) pour fragmenter la parcelle initiale. Cela a l’avantage de limiter les manipulations informatiques pour simplifier la compréhension (on se concentre juste sur le paramètre à tester) et de faire gagner du temps en raison de séances de TP courtes pour ce niveau (55 min).
  2. Les élèves les plus rapides peuvent étudier une fragmentation de l’environnement en 6 parcelles pour compléter les résultats (voire plus encore pourquoi pas).
  3. Le modèle étant stochastique, les résultats varient beaucoup d’une simulation à l’autre et les élèves vont vite s’en rendre compte. Cela doit permettre d’amener une discussion sur la nécessité de réaliser plusieurs simulations pour faire une moyenne et ébaucher un traitement statistique des valeurs obtenues. Le choix de faire 4 simulations n’est clairement pas suffisant pour un véritable traitement statistique, mais c’est un compromis à faire avec la durée de la séance. Ce point doit donc être critiqué avec les élèves.
  4. Dans le modèle proposé, seule la zone verte permet un déplacement des crapauds. La lisière grise est utilisée pour bloquer tout crapaud se retrouvant dessus, car le fonctionnement du logiciel amène parfois l’apparition de crapauds sur cette zone lorsque la zone verte sature. Cela permet d’éloigner les zones vertes de la route pour éviter qu’un crapaud ne se retrouve sur la route et se reproduise avec un crapaud d’une zone voisine. Sans la lisière, il faudrait utiliser une route plus large (3 pixels).
  5. Si l’effet de la fragmentation se voit bien sur l’effectif total de la population, celui de la dérive génétique se voit moins facilement. En effet, un faible effectif initial de crapauds dans une parcelle abouti souvent à la disparition des crapauds dans cette parcelle, ce qui ne laisse pas le temps d’observer la disparition d’un allèle. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de faire plusieurs simulations. C’est aussi pour cela que j’ai choisi de travailler sur la moyenne du nombre d’allèles par parcelle (et non sur les fréquences alléliques ou le nombre d’allèles de toute la population), car cette moyenne va forcément baisser avec la disparition de certaines sous-populations issues de la fragmentation (ce qui n’est pas le cas si l’on envisage la totalité de la population). Ce choix peut être critiqué avec les élèves.
  6. Je n’ai pas rajouté de nouvelle zone pour tracer les crapauducs dans le modèle, pour ne pas surcharger inutilement le modèle. Ces derniers doivent donc être réalisés avec des pixels de zone « forêt » où les crapauds peuvent se déplacer et se reproduire. Il faut bien signaler aux élèves que les crapauducs sont souterrains (voir photos sur la fiche de l’activité) et que le remplacement des pixels de lisière et de route dans l’environnement du modèle, ne correspond pas à la disparition de la route dans la réalité.
FICHIERS CORRIGES
Fichier Tableur de correction pour 6 simulations
Fichier correction Excel
Fichier correction Open Spreadsheet
Fichier Modèle à 2 parcelles
Modèle 2 parcelles
Fichier Modèle à 4 parcelles
Modèle 4 parcelles
Fichier Modèle à 4 parcelles avec crapauducs
Modèle 4 parcelles avec crapauducs
Fichier Modèle à 6 parcelles
Modèle 6 parcelles
QUELQUES PRODUCTIONS D’ÉLÈVES
J’ai choisi de faire réaliser aux élèves un fichier numérique présentant leurs simulations avec leurs résultats et analyses.
On peut partager les productions des groupes sur un mur collaboratif (Pearltrees, ENT), ou simplement les récupérer sur clé USB.
Exemple 1
Production élève 1
Exemple 2
Production élève 2
Exemple 3
Production élève 3

Analyse et pistes d’amélioration

ANALYSE ET ÉVALUATION DU DISPOSITIF
Plus-values dégagées
  • En utilisant un modèle numérique, ce travail permet aux élèves de mieux appréhender les notions de modèle et de simulation, et leur montre l’intérêt de modéliser des phénomènes complexes en raison de la durée du phénomène étudié, de l’espace étudié, du nombre de variables, etc.
  • Un travail critique sur la modélisation est ensuite grandement facilité et nécessaire pour leur faire comprendre que tout modèle a ses limites et qu’il faut en être conscient lors de l’analyse des résultats.
  • Il y a assez peu de notions à traiter dans le programme d’enseignement scientifique de première et de terminale (climat, Hardy-Weinberg, sélection de résistances) où les élèves peuvent utiliser un véritable logiciel de modélisation numérique, c’est-à-dire un logiciel qui ne soit pas juste une boîte noire leur donnant un résultat avec un clic sur un bouton. Or la modélisation numérique est aujourd’hui un outil couramment utilisé dans de nombreuses disciplines scientifiques. Leur faire manipuler un logiciel de modélisation numérique est donc le meilleur moyen de leur faire comprendre ce qu’est la modélisation numérique et ce qu’elle apporte à la science d’une manière générale. Cela s’inscrit donc pleinement dans les objectifs du programme d’enseignement scientifique.
  • Cette activité permet d’aborder l’effet de la fragmentation des habitats et les actions humaines possibles pour lutter contre ces effets, de manière plus pratique, concrète et interactive qu’une simple analyse de données documentaires.
Difficultés rencontrées
  • L’utilisation d’un tableur-graphique est difficile pour certains élèves. Il ne faut donc pas oublier de leur mettre à disposition la fiche technique du tableur utilisé.
  • La réalisation des 4 simulations (sans fragmentation, 2 parcelles, 4 parcelles avec et sans crapauduc) avec les 4 répétitions pour chaque groupe a été un peu plus longue que prévu et a nécessité une demi-séance supplémentaire pour finaliser les productions.
Pistes d’amélioration
  • Dans un objectif de différenciation pédagogique, on pourrait proposer aux élèves spécialistes un modèle incomplet et leur demander de le compléter en créant les agents de différents phénotypes et/ou les règles de reproduction entre ces génotypes.
  • Pour développer l’aspect collaboratif et/ou pour gagner un peu de temps, on peut envisager de faire travailler chaque groupe sur un seul type de fragmentation (1 route / 2 routes / 3 routes / et plus), puis de mettre en commun leurs résultats avant de tracer les graphiques. Cela permettrait de réaliser plus de simulations pour améliorer le traitement statistique des données.
  • Dans un souci de gain de temps, un fichier Excel automatisé est fourni aux élèves. On peut aussi envisager de leur laisser traiter seuls les résultats de leurs simulations, mais cela nécessite forcément plus de temps (une deuxième séance par exemple), mais peut être intéressant pour travailler cet aspect de la méthode scientifique.
  • De même, la démarche est ici fournie aux élèves. On peut tout à fait envisager de ne pas la leur donner pour transformer cette activité en tache complexe.
  • Ce modèle pourrait aussi servir de base pour modéliser l’équilibre de Hardy-Weinberg (avec élaboration des agents et des règles par exemple) ou modéliser une croissance démographique de type malthusienne (pour un temps court de simulation où la croissance de l’effectif s’apparente à une exponentielle).

Article scientifique fondateur

Structuration génétique des populations de crapauds communs (Bufo bufo) en Alsace. TROCHET A., ETIENNE R., LE CHEVALIER H., JOUBIN T., RIBERON A., Université de Toulouse III et Association Bufo, 2014-2015.
http://www.bufo-alsace.org/wp-content/uploads/2015/07/Structuration-g%C3%A9n%C3%A9tique-de-populations-de-crapauds-communs_BUFO.pdf

Remerciements

Mélanie FENAERT pour la mise en forme et le relecture de cet article.

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