LA CARRIERE DE LIMAY : LE SPARNACIEN par G.BIGNOT et Cl.GUERNET |
|
Bull. Info AGBP, t. 33, n°1 1996, p. 48-50 |
La carrière de Limay (Société Lafarge) est la seule qui permette en
1995 d'observer à l'Ouest de l'Ile-de-France une coupe continue du sommet de la craie aux
calcaires du Lutétien moyen. Elle constitue le seul af£leurement complet de Sparnacien,
depuis que les carrières de Guitrancourt (à l'Est de celle de Limay) et de Guerville (au
sud de la Seine) sont soit à l'abandon, soit transformées en décharge contrôlée.
Situation géographique et géologique
La carrière de Limay, à 1 km au NW de la ville du même nom et à 2 km de
Mantes-la-Jolie est située dans le Vexin Français, en bordure de l'Ile de France et en
situation synclinale; entre l'anticlinal du Pays de Bray, au Nord et celui de Beynes, au
Sud. De ce fait, et par suite du prolongement de la faille (ou de la flexure) de la Seine,
le sommet de la craie est à Limay (80m) nettement en contrebas de celui de Guerville, sur
la rive gauche de la Seine (95m). Ce dénivelé s'observe très bien à l'entrée de la
carrière en regardant vers le Sud.
Coupe géologique de la carrière de Limay (fig. 19)
La carrière est exploitée en direction du Nord ou du Nord-Est, principalement pour
l'extraction des argiles sparnaciennes mélangées à la craie pour la fabrication de
ciments. Au fur et à mesure de l'avancée du front de taille, les parties plus anciennes
de la carrière font office de décharge.
Au niveau du front de taille; s'observent de bas en haut :
l - la craie blanche campanienne ici sans silex, visible dans les fossés de drainage et
constituant le. plancher de l'exploitation ;
2 - 20 cm environ de craie altérée; gris-beige, d'aspect bréchique et à nodules ou
lentilles d'argile plastique rougeâtre ;
3 - 2 mètres d'argile marneuse plastique, verdâtre, puis ocre, riche en nodules
calcaires ("marnettes") ;
4 - une dizaine de mètres d'argile plastique rouge, encore riche en nodules calcaires à
sa base et passant à une. argile grise veinée de rouge à son sommet ;
5 - cinq mètres environ d'argiles pyriteuses dites "fausses glaises", plus ou
moins lignitifères, noires à leur base (sur 2 mètres d'épaisseur), puis grises (50 cm)
et brunes (50 cm), laminées, riches en coquilles (Corbicula - ex. Cyrena - cuneiformis,
Potamides, etc. ) en leur milieu, enfin, gris sombre, à laminations mais traversées de
nombreux terriers, au sommet, sur 2 mètres environ; les faluns à Cyrènes sont riches en
ostracodes (Vetustocytheridea lignitarum, largement dominant, Novocypris
striata, Cytheromorpha aillyensis) et ils ont. livré quelques frustules de Diatomées
Centriques pyritisées (CREPIN,1994);
6 - un cordon discontinu de galets avellanaires de silex noirs avec parfois matrice de
sables roux, en poches, seul témoignage local de la transgression cuisienne à cet
endroit;
7 - des calcaires gréseux, glauconieux, à dents de squales (quelques décimètres) et
des calcaires zoogènes très indurés; ils constituent l'ossature de la banquette
supérieure et correspondent à la base du Lutétien moyen transgressif (glauconie
grossière); sporadiquement ils contiennent des galets avellanaires blancs, désilicifiés
et d'aspect crayeux
8 - 15 à 20 mètres de calcaires riches en Foraminifères (Miliolidés, Fabularia
discolithes, Alveolina bosci, Orbitolites complanatus, etc.) d'âge également lutétien
moyen. Les. stratifications obliques observables sur toute la hauteur du front de
carrière, au-dessus de la glauconie grossière, témoignent, tout autant que la faune, du
caractère très littoral des dépôts.
Remarques
- l'argile à silex manque au contact du Sparnacien et de la craie, contact souligné par
la présence d'altérites, localement à Microcodium elegans, comme en Champagne et en
Normandie (BIGNOT,1995);
- la carrière de Limay permet d'observer la superposition des deux principaux faciès
sparnaciens, argile plastique ocre à rouge à la base, argiles grises pyriteuses, au
sommet; l'argile plastique dont l'épaisseur diminue du Sud au Nord de l'Ile-de-France
pour disparaître à peu près au niveau de l'anticlinal du Pays-de-Bray correspond à un
épandage fluviatile; les argiles grises pyriteuses, parfois désignées sous le nom de
"fausses glaises" sont proches lithologiquement des argiles à lignites du
Soissonais dont elles possèdent la faune de Mollusques et d'Ostracodes (mais diffèrent
par certains de ces dinokystes pour des raisons qui selon les auteurs sont chronologiques
ou stratigraphiques); elles correspondent à des dépôts dans un immense marécage à
caractère mésohalin, comme les argiles à lignites du Soissonnais (Bignot et al., 1981).
- THIRY (1988) a décrit; à la base des argiles plastiques du Sparnacien de Limay, des
sables glauconieux à foraminifères et charophytes et des calcaires blancs bréchiques
non observables actuellement.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES (pour une bibliographie complète, voir celle des ouvrages
cités ci-dessous)
BIGNOT G. (1995) - Les deux épisodes à Microcodium du Paléogène parisien
replacés dans un contexte péri téthysien.. Newsl. Stratigr., 32/2, p. 79-89
BIGNOT G., GRUAS-CAVAGNETTO G., G&127;TERNET C., PERREAU M., RENARD
M., RIVELINE J. et TOURENQ J. (1981) - Le Sparnacien de Soissons (Aisne, France): étude
sédimentologique et paléontologique. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris,18/4, p. 3-19.
CREPIN S. (1994) - Paléoenvironnements sparnaciens de la région de Mantes, Bassin de
Paris, et de la "Reading formation" (Paléocène supérieur) de l'île de Wight,
Bassin du Hampshire: Mémoire de Maîtrise de Sciences de la Terre, Université P. et M.
Curie; 29 p., 1 pl., Paris, en cours de
publication.
FEUGUEUR L. (1963) - L'Yprésien du Bassin de Paris. Essai de monographie stratigraphique.
Mém. Carte Géol Fr., 568 p., 8 pl., Paris
GUERNET C. (1981) - Ostracodes sparnaciens du Bassin de Paris (France). Rev. de Micropal.,
24/1, p.51-66, 4 pl., Paris.
THIRY M. (1981) - Sédimentation continentale et altérations associées: calcitisations,
ferruginisations et silicifications, les argiles plastiques du Sparnacien du bassin de
Paris. Sc. Géol., Mémoire 64,173 p.,10 pl., Strasbourg.